dimanche 20 janvier 2008

linguistique banlieusarde

« Depuis plus de trente ans, nous avons accepté – et parfois aveuglément encouragé – le regroupement dans des lieux enclavés de populations qui avaient en commun d'être pauvres et, pour la plupart, de venir d'un ailleurs estompé et confus. Elles se sont rassemblées sur ces territoires de plus en plus isolés non pas parce qu'elles partageaient un héritage culturel et historique, mais au contraire parce que, année après année, elles savaient de moins en moins qui elles étaient, d'où elles venaient et où elles allaient. Dans ces lieux confinés, bien des jeunes adultes de langue maternelle française vivent une situation linguistique particulière que certains trouvent pittoresque alors qu'elle révèle et renforce marginalisation et exclusion sociales. Pour les jeunes de ces quartiers-ghettos, l'imprécision et la pénurie des mots va de pair avec l'enfermement qu'ils subissent ; elles constituent leur lot réduit parce que ni l'école ni la famille ne leur ont transmis l'ambition d'élargir le cercle des choses à dire et celui de ceux à qui on les dit. Cantonnés à une communication de proximité, prisonniers d'une situation d'extrême connivence, ils n'ont jamais eu besoin de mots justes et nombreux pour communiquer ensemble (…). Mais lorsqu'ils doivent s'adresser à des gens qu'ils ne connaissent pas, lorsque ces gens ne savent pas à l'avance ce qu'ils vont leur dire, cela devient alors un tout autre défi. Un vocabulaire exsangue et une organisation approximative des phrases ne leur donnent pas la moindre chance de le relever. (…). (SOURCE : Alain Bentolila, professeur de linguistique, « Contre les ghettos linguistiques », in « Le Monde » du 21/12/07.)

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