mardi 29 janvier 2008

L'Arabie saoudite, sa religion, ses lois, sa liberté...

Depuis le décès de son mari saoudien, Rose Bocus n'est pas autorisée à revenir en France avec ses deux jeunes enfants.

Un jour d'avril 2007, la vie de Rose Bocus, 27 ans, a brutalement tourné au calvaire. Celui d'une jeune Parisienne venue en Arabie par amour d'un homme, qui se retrouve harcelée et empêchée de rentrer en France avec ses enfants, après la mort de son mari, il y a neuf mois. «Je suis à bout », dit-elle au téléphone de Médine, où elle a déjà tenté de mettre fin à ses jours.
L'histoire de cette Française d'origine mauricienne commence pourtant par une belle romance, lorsqu'en 2000 elle se marie avec Youssouf al-Oudily, un ingénieur saoudien, frais émoulu d'une université britannique. Elle l'avait rencontré deux ans auparavant. «J 'étais amoureuse, ce n'était pas du tout un mariage arrangé», tient-elle à préciser. Musulmane voilée, Rose ne voit aucun inconvénient à aller vivre dans la rigoriste ville sainte de Médine. «Au contraire, c'était pour moi la possibilité de pratiquer pleinement ma foi.» Aux côtés de Youssouf, et des deux enfants qui naîtront de leur union, Rose avoue même avoir été «très heureuse». Jusqu'au décès de son mari, atteint d'un cancer de la lymphe.
Après les obsèques, ses beaux-parents s'engagent à la laisser revenir en France chaque année pendant les trois mois d'été. Mais rapidement les pressions vont commencer. Les promesses s'envolent. «Notre fils ne t'aimait pas, il voulait divorcer, pourquoi ne rentres-tu pas dans ton pays en nous laissant les enfants ?», insiste la belle-famille, qui habite trois étages au-dessus, dans le même immeuble. Rose entame son deuil dans les pires conditions. «Ils cherchaient à m'espionner et à ternir ma réputation en disant que des hommes venaient me voir», s'insurge la jeune femme, qui accuse ses beaux-parents de vouloir la «faire craquer».
Désespérée, elle tentera de se suicider. Puis elle remonte la pente et expulse sa belle-famille de son appartement. Mais son beau-frère se venge en lui ravissant Mazin, son fils de 4 ans. Rose, aujourd'hui, vit seule avec Sara, sa petite dernière d'un an et demi. «Ils achètent mon fils en le couvrant de cadeaux, je dois faire des pieds et des mains pour le voir», lâche-t-elle, en pleurant.
Loin de ses illusions, Rose découvre le sort peu enviable d'une étrangère, veuve en terre d'Arabie. En vertu de la loi, c'est elle qui a la garde des enfants, mais c'est son beau-père ou, en son absence, le frère aîné du défunt, qui en assure la tutelle. Tel est le contenu du jugement rendu par la justice, inspirée par les religieux sunnites. «Mais sitôt après , déplore Rose, les cheikhs ont cherché à me faire signer un document dans lequel j'abandonnerais la garde de Mazin et Sara à mes beaux-parents.»

Le piège de la tradition et de l'obscurantisme

À Médine, ses déboires commencent à se savoir. Heureusement, face aux quolibets, elle bénéficie de la solidarité des jeunes Français, venus étudier le Coran dans les universités islamiques. Après certaines hésitations, le Quai d'Orsay, de son côté, intervient. «Les enfants sont franco-saoudiens, il est donc tout à fait normal qu'ils rentrent en France avec leur mère , plaide un de ses représentants au consulat de Djedda, mais il faut aussi ménager les règles locales. » Voilà dix jours, le gouverneur de Médine a promis de «tout faire» pour que la malheureuse puisse quitter l'Arabie avec les siens. «Mes beaux-parents accepteront-ils ?», redoute déjà la jeune mère. D'autant que ces derniers ont très mal pris d'apprendre que Mazin et Sara venaient d'acquérir la nationalité française.
Privée de passeport, Rose vit grâce à l'argent que ses parents lui envoient régulièrement. «Elle n'a pas touché un centime de la pension de son mari qui devait pourtant lui être versée», déplore sa mère, Nousrine Bocus, bien décidée à la sortir de cet enfer. Le piège de la tradition et de l'obscurantisme s'est refermé sur sa fille. «C'est vrai que les droits de la femme ici sont bafoués», reconnaît Rose, qui se bat avec l'énergie du désespoir. «J'irai jusqu'au bout», jure-t-elle, «même si je dois recourir à une mafia quelconque pour que nous partions.» Elle n'a pas commis l'erreur de renoncer à sa nationalité française en devenant saoudienne. «Sinon, je serai perdue.» Elle veut croire en une nouvelle rencontre cette semaine entre un diplomate français et le gouverneur de Médine.
Si Rose Bocus gagne son combat, elle aura ouvert une brèche. Jamais une étrangère, devenue veuve d'un Saoudien, n'a pu rentrer dans son pays avec sa progéniture. Elle s'accroche à ses mots prononcés devant son mari allongé sur son lit quelques heures avant sa mort : «S'il t'arrives quelque chose, je retournerai vivre en France avec les enfants». «Au pays des koufars (infidèles) », lui répondit Youssouf, qui ne s'y opposa pas toutefois. Mais aujourd'hui, sa belle-famille se dit prête à exhumer un testament prouvant le contraire. Le cauchemar de Rose n'est pas terminé.

http://www.lefigaro.fr/international/2008/01/29/01003-20080129ARTFIG00011-rose-veuve-francaisesequestree-en-arabie-saoudite.php

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