lundi 7 janvier 2008

Allemagne : du danger d'abjurer l'islam

Allemagne : du danger d'abjurer l'islam
La vie de Mina Ahadi, qui a créé une association d'ex-musulmans à Berlin, est menacée.
Par Nathalie VERSIEUX
QUOTIDIEN : mardi 20 mars 2007
Berlin de notre correspondante
Comment cette femme peut-elle attirer tant de haine ? Mina Ahadi n'a rien d'une exaltée : petite, modeste et presque timide, elle semble n'avoir quitté qu'à regret l'anonymat. Sa voix est douce et l'ébauche d'un sourire flotte en permanence sur son visage. Sauf lorsqu'elle parle de l'islam politique. Fin février, Mina Ahadi a officiellement donné naissance à Berlin à l'association des ex-musulmans d'Allemagne. L'un après l'autre, une partie des 140 membres ont solennellement abjuré, devant la presse. Depuis, la vie de Mina Ahadi est en danger, et son escorte de policiers en civil ne la lâche plus des yeux.
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Automatisme. Abjurer est interdit par la charia. «L'islam ne prévoit pas de porte de sortie, ne permet pas de tourner le dos à la religion, rappelle Ursula Spuler-Stegemann, spécialiste de la question à l'université de Marburg. Si vous êtes né de parents musulmans, vous l'êtes automatiquement. Il y a certainement beaucoup d'athées, mais ils ne le diront pas ouvertement. Dans les pays où règne la charia, les non-croyants sont passibles de la peine de mort.» Pour expliquer son geste aux allures de provocation, Mina Ahadi assure: «Il est impossible de moderniser l'islam.» Le mot d'ordre des ex-musulmans d'Allemagne «j'ai abjuré» rappelle celui des partisans de l'avortement des années 70. «Je connais l'islam politique, poursuit la présidente de l'association. A la fin, on se fait lapider. Même en Allemagne.»
Née en Iran en 1956, Mina Ahadi se voit exclue de l'université de Téhéran où elle étudiait la médecine aux premiers jours de la révolution islamique, parce qu'elle refuse de porter le tchador. Son mari résistant est tué par le régime. Communiste, elle rejoint les rangs des Kurdes au nord du pays, avant de fuir vers l'Autriche puis l'Allemagne, d'où elle poursuit son combat contre l'extrémisme islamique. En 2000, elle crée un comité contre les lapidations, et organise une campagne contre les crimes d'honneur en 2006. «L'islam humilie les femmes et les assujettit aux hommes», renchérit Arzu Toker, vice-présidente de l'association. «L'islam est également hostile aux hommes, poursuit cette énergique Turque de 55 ans. Il les réduit au rang d'étalons guidés par leur seul instinct sexuel !»
Les 140 membres de l'association ne s'en prennent pas qu'aux islamistes. Leur combat vise largement les politiciens allemands, accusés de «pactiser avec l'ennemi au nom du sacro-saint respect des différences culturelles». «Il n'est pas normal que le ministre de l'Intérieur reçoive les seules associations musulmanes lorsqu'il veut s'adresser aux personnes issues de l'immigration, estime Mina Ahadi. Ces associations n'ont pas le droit de parler au nom des 3,5 millions de "musulmans" d'Allemagne. Beaucoup, comme moi, ne se sentent pas du tout représentés par ces associations traditionalistes...»
«Les ex-musulmans ont abordé de plein fouet un sujet tabou, estime un étudiant marocain non pratiquant. Ce sujet est explosif. Beaucoup de gens, qui sont catalogués "musulmans" par la société de par leur nationalité, mais qui n'ont rien à voir avec l'islam, même s'ils ne mangent pas de viande de porc, sont concernés.» Dans la pratique, il est difficile de mesurer le degré de religiosité des musulmans d'Allemagne. Selon un sondage mené auprès de 1 000 personnes dans le Land de Hesse par le Centre d'études sur la Turquie, 83 % des musulmans d'Allemagne se disaient «très religieux» ou «plutôt religieux» fin 2005, contre 72 % fin 2000. A l'inverse, la proportion des «non-religieux» a également progressé (3 % fin 2000 contre 6 % fin 2005) au détriment des «peu religieux». «L'association des ex-musulmans est une chance, estime Cem ÷zdemir, député vert allemand au Parlement européen, né de parents turcs. L'un des principaux défis de l'avenir est que les personnes d'origine musulmane apprennent à se respecter...»
Mouvement. Mina Ahadi espère que son exemple sera suivi à l'étranger. «Nous avons des contacts avec les mouvements de défense des droits des femmes face à l'islam en Suède ou au Canada, mais pas en France, déplore-t-elle. Il est important de parvenir à fonder un mouvement européen, car les problèmes y sont identiques : le port du foulard, l'éducation religieuse des enfants, etc. Puisque les organisations islamistes sont coordonnées au niveau européen, il faut que les associations qui défendent les droits de la femme soient également organisées au-delà des frontières...»

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