lundi 7 janvier 2008

Islam et esclavage

Très tôt, du fait de la rapidité même de leurs conquêtes, les Arabes se heurtent à une pénurie d'esclaves. Ils ne peuvent asservir les populations des pays soumis à leur loi et se voient donc dans l'obligation d'importer en nombre croissant des esclaves des pays tiers, qu'ils soient ou non en voie d'islamisation.
Après la mort du prophète Mahomet et la soumission de la péninsule arabe, les musulmans conquièrent les rives méridionales et orientales de la Méditerranée. Multipliant les prises de guerre, ils prolongent dans ces régions l'esclavage à la mode antique.

Islam et esclavage:

Le Coran, texte sacré de l'islam, entérine l'existence de l'esclavage tout comme d'ailleurs les textes bibliques. Notons que le premier muezzin désigné par le Prophète pour l'appel à la prière est un esclave noir du nom de Bilal originaire d'Éthiopie. La loi islamique ou charia, qui s'appuie sur le Coran et les dits du prophète (hadiths), autorise d'autre part la réduction en esclavage de quiconque n'est pas musulman (si un esclave vient à se convertir, il n'est pas affranchi pour autant). Comme les chrétiens du haut Moyen Âge, les musulmans s'abstiennent de réduire en esclavage leurs coreligionnaires mais cette règle souffre de nombreuses transgressions et l'on ne rechigne pas à asservir des musulmans, notamment noirs, au prétexte que leur conversion est récente. L'esclavage devient rapidement l'un des piliers de l'économie de l'empire abasside de Baghdad du fait de très nombreuses prises de guerre et de l'avènement d'une très riche bourgeoisie urbaine. Pour s'en convaincre, il sufit de lire Les Mille et Une Nuits, un recueil de contes arabes qui se déroulent sous le règne du calife Haroun al-Rachid, contemporain de Charlemagne. Les harems du calife et des notables de Baghdad se remplissent de Circassiennes. Il s'agit de femmes originaires du Caucase et réputées pour leur beauté ; ces belles esclaves ont continué jusqu'au XXe siècle d'alimenter les harems orientaux en concurrence avec les beautés noires originaires d'Éthiopie. Pour les tâches domestiques et les travaux des ateliers et des champs, les sujets du calife recourent à d'innombrables esclaves en provenance des pays slaves, de l'Europe méditerranéenne et surtout d'Afrique noire. Ces esclaves sont maltraités et souvent mutilés et castrés. D'autres esclaves et eunuques sont employés comme soldats et chefs de guerre par les différentes dynasties musulmanes, du Maroc aux Indes. Ces esclaves-là accèdent parfois à des fonctions élevées et parfois au pouvoir suprême. Ainsi en est-il des fameux Mamelouks d'Égypte, qu'aura à combattre Bonaparte en 1798, esclaves blancs en terre d'islam.
Dans les premiers temps de l'islam, les notables de Baghdad s'approvisionnent en esclaves blancs auprès des tribus guerrières du Caucase mais aussi auprès des marchands vénitiens qui leur vendent des prisonniers en provenance des pays slaves, encore païens.
À la fin du Moyen Âge, comme le vivier slave s'épuise du fait de la christianisation de l'Europe orientale, les musulmans se tournent vers les pirates qui écument la Méditerranée. Ces derniers effectuent des razzias sur les villages côtiers des rivages européens. Le souvenir des combats livrés par les habitants à ces pirates perdure dans... la tête de prisonnier maure qui sert d'emblème à la Corse.
On évalue à plus d'un million le nombre d'habitants enlevés en Europe occidentale entre le XVIe et le XVIIIe siècle, au temps de François 1er, Louis XIV et Louis XV. Ces esclaves, surtout des hommes, sont exploités de la pire des façons dans les orangeraies, les carrières de pierres, les galères, les chantiers,... d'Afrique du nord. Des organisations chrétiennes déploient beaucoup d'énergie dans le rachat de ces malheureux, tel Miguel de Cervantès.
En Europe orientale et dans les Balkans, pendant la même période, les Ottomans prélèvent environ trois millions d'esclaves. Mais l'expansion européenne, à partir de la fin du XVIIIe siècle, met fin à ces razzias.

Esclaves noirs en terre d'islam:

Si la traite des esclaves blancs a rapidement buté sur la résistance des Européens, il n'en a pas été de même du trafic d'esclaves noirs en provenance du continent africain. La traite arabe commence en 652, vingt ans après la mort de Mahomet, lorsque le général arabe Abdallah ben Sayd impose aux Nubiens (les habitants de la vallée supérieure du Nil) la livraison de 360 esclaves par an. Les spécialistes évaluent de douze à dix-huit millions d'individus, le nombre d'Africains victimes de la traite arabe au cours du dernier millénaire, du VIIe au XXe siècle, soit à peu près autant que la traite européenne à travers l'océan Atlantique, du XVIe siècle au XIXe siècle. Le trafic suit d'abord les routes transsahariennes. Des caravanes vendent à Tombouctou par exemple des chevaux, du sel et des produits manufacturés. Elles en repartent l'année suivante avec de l'or, de l'ivoire, de l'ébène et... des esclaves pour gagner le Maroc, l'Algérie, l'Égypte et, au-delà, le Moyen-Orient. Au XIXe siècle se développe aussi la traite maritime entre le port de Zanzibar (aujourd'hui en Tanzanie) et les côtes de la mer Rouge et du Golfe persique. Le sort de ces esclaves, razziés par les chefs noirs à la solde des marchands arabes, est dramatique. Après l'éprouvant voyage à travers le désert, les hommes et les garçons sont systématiquement castrés avant leur mise sur le marché, au prix d'une mortalité effrayante, ce qui fait dire à l'anthropologue et économiste Tidiane N'Diyae : «Le douloureux chapitre de la déportation des Africains en terre d'Islam est comparable à un génocide. Cette déportation ne s'est pas seulement limitée à la privation de liberté et au travail forcé. Elle fut aussi – et dans une large mesure - une véritable entreprise programmée de ce que l'on pourrait qualifier d'"extinction ethnique par castration"». Les contes des Mille et Une Nuits, écrits au temps du calife Haroun al-Rachid (et de Charlemagne), témoignent des mauvais traitements infligés aux esclaves noirs et du mépris à leur égard (bien qu'ils fussent musulmans comme leurs maîtres). Ce mépris a perduré au fil des siècles. Ainsi peut-on lire sous la plume de l'historien arabe Ibn Khaldoun (1332-1406) : «Les seuls peuples à accepter l'esclavage sont les nègres, en raison d'un degré inférieur d'humanité, leur place étant plus proche du stade animal». Ces propos, notons-le, précèdent de deux siècles la traite atlantique des Occidentaux.

Esclavage et décadence:

Les contingents très importants de main-d'oeuvre servile ont contribué à la stagnation économique et sociale du monde musulman. Ils ont causé aussi de nombreux troubles. C'est ainsi qu'à la fin du IXe siècle, la terrible révolte des Zendj (ou Zenj, d'un mot arabe qui désigne les esclaves noirs), dans les marais du sud de l'Irak, a entraîné l'empire de Bagdad sur la voie de la ruine et de la décadence. «Comparé à la traite des Noirs organisée par les Européens, le trafic d'esclaves du monde musulman a démarré plus tôt, a duré plus longtemps et, ce qui est plus important, a touché un plus grand nombre d'esclaves», écrit en résumé l'économiste Paul Bairoch. Cet auteur ainsi que Tidiane N'Diaye rappellent qu'il ne reste pratiquement plus trace des esclaves noirs en terre d'islam en raison de la généralisation de la castration, des mauvais traitements et d'une très forte mortalité, alors que leurs descendants sont au nombre d'environ 70 millions sur le continent américain. Notons le parallèle avec les États arabes du Golfe Persique qui recourent massivement à des travailleurs étrangers tout en empêchant ceux-ci de faire souche sur place... à la différence des pays occidentaux.

Isolée du monde méditerranéen depuis sept ou huit millénaires en raison de l'assèchement du Sahara, l'Afrique noire a ignoré jusqu'à l'ère contemporaine la propriété foncière. La terre étant propriété commune, l'enrichissement et l'élévation sociale dépendaient dans ces sociétés africaines de la possibilité de cultiver un maximum de surface. D'où l'intérêt de disposer d'une main-d'oeuvre nombreuse. Plus un homme possédait d'esclaves et de femmes, plus il était riche... et plus il était riche, plus il était en situation d'accroître son cheptel de femmes et d'esclaves.«Pour autant que la notion de la propriété de la terre n'existait pas, les hommes et les femmes constituaient la seule source de richesse. Leur capture et leur commerce, par la guerre ou autrement, animaient les conflits entre les royaumes», rappelle l'historien Marc Ferro. D'après les récits des premiers voyageurs occidentaux qui ont visité l'Afrique noire, comme l'Écossais Mungo Park (1771-1805), on estime qu'un quart des hommes avaient un statut d'esclave ou de travailleur forcé. C'étaient des prisonniers de guerre ou des prisonniers pour dettes. Dans le régime polygame caractéristique de l'Afrique noire, le statut des femmes n'était guère différent de celui des esclaves. À leur entrée dans l'âge nubile, les adolescentes étaient vendues par leur propre père à leur futur maître et époux. Elles vouaient le restant de leur vie à rembourser celui-ci de son investissement par leur travail et leurs prestations sexuelles. Ces formes d'esclavage ont facilité l'exil forcé de dizaines de millions d'Africains vers le monde musulman ou le monde américain. L'anthropologue Tidiane N'Diaye note qu'elles sont d'autant plus condamnables qu'elles se perpétuent de nos jours. Mais elles ne sauraient être comparées à la traite orientale (arabo-musulmane) ou à la traite occidentale (européenne). Elles ne débouchaient pas sur des déportations massives, meurtrières, mutilantes et traumatisantes. Elles étaient acceptées avec résignation par les populations et intégrées à leur mode d'existence...

La traite arabe:

Dès les premiers temps de l'islam, des caravaniers arabes ont puisé dans le vivier de nombreux esclaves en vue de les revendre au Moyen-Orient ou en Afrique du nord. Des chefs noirs se sont mis à leur service pour guerroyer contre leurs voisins et les fournir en prisonniers. Il s'en est suivi un trafic de 5.000 à 10.000 esclaves par an, en direction des pays musulmans. En témoignage de ce trafic, le mot arabe abid qui désigne un serviteur ou un esclave, est devenu synonyme de Noir. Au XIXe siècle, des musulmans de confession chiite en provenance du Golfe persique se sont établis sur une île de l'Océan indien proche du littoral africain. Ils l'ont appelé Zanzibar (de Zenj et bahr, deux mots arabes qui signifient littoral des Noirs) et y ont créé de fructueuses plantations de girofliers sur lesquelles travaillaient des esclaves noirs du continent. Les conditions de travail y étaient épouvantables : «La mortalité était très élevée, ce qui signifie que 15 à 20% des esclaves de Zanzibar (soit entre 9.000 et 12.000 individus) devaient être remplacés chaque année», écrit Catherine Coquery-Vidrovitch. Très vite, Zanzibar est devenu un important marché d'exportation d'esclaves à destination du Golfe arabo-persique. Les comptes précis tenus par l'administration du sultan ont permis d'évaluer à plus de 700.000 le nombre d'esclaves qui ont transité par l'île entre 1830 et 1872. Aujourd'hui encore, les habitants noirs de Zanzibar conservent un statut de quasi-esclave.

http://www.herodote.net/histoire/synthese.php?ID=12


Malek Chebel: "L'esclavage en terre d'islam":

L'anthropologue Malek Chebel montre dans "L'esclavage en terre d'islam" (Fayard, septembre 2007, 496 pages, 24€) comment une culture esclavagiste s'est greffée sur l'islam. Il a justement sous-titré son ouvrage "Un tabou bien gardé". Il s'agit non d'un livre d'histoire mais d'un récit de voyage ethnographique émaillé de références littéraires. Spécialiste du monde musulman, l'anthropologue Malek Chebel s'est penché sur un sujet rarement abordé : l'esclavage en terre d'islam, sans se limiter aux traites négrières. Il évoque les anciens trafics d'esclaves blancs mais aussi les trafics humains qui perdurent dans maints pays sous des formes plus ou moins édulcorées. Le livre fondateur de l'islam évoque l'esclavage dans pas moins de 25 versets sans le condamner formellement.«Le Coran n'étant pas contraignant, l'abolition relève de la seule initiative personnelle du maître. Cette ambiguïté est constitutive de l'approche coranique : encourager ceux qui font le bien, mais ne pas alourdir la peine de ceux qui ne font rien», écrit Malek Chebel. «Plusieurs versets entérinent au demeurant l'infériorité de l'esclave par rapport à son maître». Le calife Omar (581-644) est à l'origine d'une législation qui interdit de mettre en servitude un musulman. Dans les faits, cette prescription, qui encourage les musulmans à chercher des esclaves hors de leurs terres, c'est-à-dire en Afrique noire et en Europe orientale, est rapidement limitée par des conditions mises à l'affranchissement des esclaves convertis. Rapidement, l'esclavage devient un fait musulman, comme il a été grec ou romain. «Nulle part on ne trouve contre lui d'opposition ou de réprobation», note l'auteur. Ainsi montre-t-il que les plus grandes figures intellectuelles de l'islam ont été comme les autres de grands propriétaires d'esclaves.

Inhumanité de l'esclavage:

Malek Chebel rapporte in extenso trois codes régissant l'esclavage en terre d'islam. À travers des références littéraires, en premier lieu les Mille et une Nuits, ainsi que de nombreux récits de voyageurs, il dépeint aussi le statut des esclaves, leur déshumanisation par la privation de nom et leur exploitation à des fins sexuelles, qu'il s'agisse des concubines destinées à assouvir les plaisirs de leur maître ou des eunuques destinés à les garder !
Inventée et développée à grande échelle par la Chine impériale, exportée dans les pays musulmans et jusqu'en Italie (les castrats), l'exploitation des eunuques est l'une des formes d'esclavage les plus inhumaines qui soient. Cela commence avec l'ablation des parties génitales, généralement pratiquée sur de jeunes adolescents : elle se solde par une mortalité effroyable.

Inhumanité de l'esclavage:

Le monde musulman n'étant pas un bloc homogène, Malek Chebel explore région après région les souvenirs de l'esclavage et ce qu'il en reste. Dans beaucoup de régions perdure l'esclavage «de traîne» : il affecte les descendants d'esclaves qui portent le fardeau de leur hérédité ; ainsi ne peuvent-ils par exemple, épouser une femme de classe supérieure. Sur la côte sud de l'Iran subsiste une communauté issue des anciens esclaves noirs qui parle arabe, pratique le sunnisme et entretient des coutumes d'origine africaine. En Arabie, malgré la répétition des édits abolitionnistes, l'esclavage perdure de fait, avec une relative discrétion. Il concerne des ressortissants africains, sans parler des travailleurs asiatiques dont le sort est proche de la servitude. L'esclavage demeure présent aussi dans les régions sahariennes (Libye, Niger, Tchad, Mali,...) sans qu'on puisse en chiffrer l'importance. Cédant à la pression des ONG, un chef targui du Niger, Amrissal Ag Amdague, a accepté le 10 mars 2005 de libérer 7.000 esclaves coutumiers contre espèces sonnantes et trébuchantes ! En Mauritanie, l'esclavage des Noirs (Harratine) par les Bédouins est une réalité prégnante dont l'auteur a lui-même pris la mesure lors de ses voyages...
Autant dire que la lutte contre l'esclavage demeure d'actualité et cet ouvrage permet de s'en convaincre. Malek Chebel le rappelle avec justesse : «l'esclavage est la pratique la mieux partagée de la planète, c'est un fait humain universel». Pour une vision historique du phénomène particulier des traites négrières, on se reportera à l'ouvrage clé d'Olivier Pétré-Grenouilleau : Traites négrières.

http://www.herodote.net/articles/article.php?ID=290

Les Janissaires:

-Les Janissaires (en turc « Yeni Çeri », littéralement « nouvelle milice ») sont, à l'apogée de l'Empire ottoman, l'élite de l'infanterie. Les janissaires étaient redoutés des armées occidentales car ils maniaient aussi bien le mousquet que le sabre. Le haut commandement militaire et politique de l’Empire Ottoman est essentiellement basé sur ce corps des janissaires. Le conseil du sultan ou diwan est principalement composé de janissaires. Le Grand Vizir, premier ministre de l’Empire, est un janissaire. La Mosquée de Soliman à Istanbul fut construite par Mimar Sinan, janissaire d’origine grecque, qui s’inspira de la basilique Sainte Sophie de Constantin.
Créé en 1334 par Orhan, le deuxième sultan ottoman, le corps des janissaires était exclusivement composé d'enfants chrétiens, soit prisonniers de guerre, soit réquisitionnés dans les tribus à raison d'un fils sur cinq. Cette pratique était appelée devchirmé ("cueillette" en turc). Les janissaires pouvaient donc être issus de familles grecques, bulgares, serbes, russes, ukraniennes, roumaines, albanaises, bosniaques, hongroises, arméniennes ou géorgiennes. La création de ce corps d'armée janissaire répond aux ambiguïtés concernant l'application de la charia et les réalités de la conquête ottomane amorcée sous Orhan. Si la charia interdit la réduction en esclavage d'enfants et d'hommes musulmans, les esclaves chrétiens, capturés très jeunes, formés et islamisés contournent le problème dogmatique. Les janissaires ont donc le statut d'esclaves. Entièrement consacrés à la vie militaire, ils n’ont pas le droit de se marier.

Wikipedia

Bombardment of Algiers (1816)

The Bombardment of Algiers (27 August 1816) was an attempt by Britain to end the slavery practices of the Dey of Algiers. An Anglo-Dutch fleet under the command of Admiral Lord Exmouth bombarded ships and the harbour defences of Algiers.
Although there was a continuing campaign by various European and the American navies to suppress the piracy against Europeans by the North African Barbary states, the specific aim of this expedition was to free Christian slaves and to stop the practice of enslaving Europeans. To this end, it was partially successful as the Dey of Algiers freed around 3,000 slaves following the bombardment and signed a treaty against the slavery of Europeans. However, the cessation of slavery did not last long.

http://en.wikipedia.org/wiki/Bombardment_of_Algiers_(1816)

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