mardi 20 mars 2012

Les “Y’a bon Awards” déshonorent l’antiracisme

Sur le papier, les « Y’a bon Awards » me semblaient utiles. La banalisation des propos racistes ces dernières années mérite qu’on s’insurge et qu’on les mette à l’index. J’ai en tête mille exemples qui m’ont écorché les oreilles et à qui j’aurais bien voulu décerner des Y’a bon Awards.

Hélas, le but de Rokhaya Diallo et de son association (Les Indivisibles) n’est pas de militer contre le racisme… Mais de combattre les antiracistes ayant le tort, à leurs yeux, de défendre la laïcité. Pour proposer un autre modèle, basé sur les statistiques ethniques et la laïcité « ouverte », aux religions et même à l’intégrisme.

Ce qui explique les si bonnes relations entretenues par cette association avec le Département d’Etat américain. Rokhaya Diallo a notamment participé au programme « International Visitor Leadership » voulu par le gouvernement fédéral américain pour tisser des liens avec ceux qui défendent son modèle à l’étranger. Et ce malgré ses liens avec les Indigènes de la République et leurs alliés islamistes. Leurs équivalents Belges, les Indigènes du Royaume, sont à l’origine de mon agression en Belgique.

Les indivisibles s’inscrivent dans cette famille idéologique, qui considère tout intellectuel féministe et laïque comme « islamophobe » dès lors qu’elle ose critiquer à la fois le racisme et l’intégrisme. Mais leur présidente va plus loin. Elle accepte de donner des conférences aux côtés du roi des complotistes Belges, Michel Collon. Elle fait surtout partie des premiers signataire d’un manifeste « contre le soutien à Charlie Hebdo », lancé par des figures des Indigènes de la République juste après l’attentat… Il prétend défendre la liberté d’expression mais nous explique, qu’au fond, le journal l’a bien cherché ! Ce qui revient à justifier le terrorisme contre la presse, dans un contexte où des dessinateurs et des journalistes prennent tous les jours des risques pour continuer à parler librement de l’intégrisme.

Le vrai visage des Indivisibles est donc dévoilé, depuis longtemps. Mais la dernière moisson de prix le confirme. Alors que la France pleurait les morts du tueur de Toulouse, Les indivisibles organisaient une cérémonie des Y’a bon Awards… Et devinez qui obtint un « Y’a bon awards 2012 » ? Le tueur de Toulouse ? Claude Guéant ? Marine Le Pen ? Jean-Marie Le Pen ? Des journalistes qui ont banalisé l’agression d’Arnaud Montebourg et Audrey Pulvar ? Des journalistes ayant minimisé les menaces professées contre moi par un cadre du FN ? Non pas du tout… Christophe Barbier, Sylvie Pierre-Brossolette et moi-même !

Quand l’antiracisme devient racisme

Ce qu’ils reprochent à Barbier ? Une chronique de 2010 sur la décision de Quick de ne servir que des repas halal ! Ce qu’ils me reprochent ? Un discours sur l’égalité ! Et oui, vous avez bien lu.

(...)

J’ai pris l’exemple d’un maire ayant mis à la disposition de l’UOIF (une organisation intégriste), un gymnase pour organiser un concours de basket non mixte, interdit aux hommes, pour lever des fonds au profit d’une organisation liée au Hamas. Il s’agissait de montrer qu’une politique publique progressiste ne peut pas soutenir les ennemis de l’émancipation et des droits des femmes.


Cette intervention date de 2010. Elle a beaucoup fâché Rokhaya Diallo, qui intervenait juste avant moi pour demander au PS d’adopter une laïcité à l’anglo-saxonne et des statistiques ethniques. Elle a largement perdu à l’applaudimètre, très largement, et ne s’en remet pas. Voici donc le retour de bâton sous la forme d’un prix censé mettre à l’index les pires racistes de ces cinq dernières années… Décerner un prix du racisme à une antiraciste. N’est-ce pas un peu gros ? Vous connaissez la formule, un peu modifiée. Les salauds osent tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît.

Des indivisibles qui divisent

Me remettre ce prix, ce soir-là, celui de la tragédie de Toulouse, pour une phrase où je critique le soutien à des groupes extrémistes et antisémites, c’est déjà assez gonflé. Mais le plus inouï est de le faire justement l’année où j’ai dénoncé le racisme anti-musulmans du FN. Dans un livre, un film et une Bande-dessinée. Ou encore lors de l’émission « Des paroles et des actes », sur France 2.

J’ai demandé à la présidente du FN de s’expliquer sur un extrait du programme de son parti de 2007, où le FN se plaint de voir 20 % des militaires français être issus du « monde musulman » : « Il devient de plus en plus difficile d’avoir un recrutement de qualité. 20 % des nouvelles recrues sont désormais issues de l’immigration originaire du monde musulman. » Ma question à Marine Le Pen était simple : « Quand des Français de culture musulmane s’engagent pour servir l’armée française, pour servir la France, qu’est-ce qui vous permet d’affirmer qu’ils sont de mauvaise qualité ? » Elle ne m’a jamais répondu. Ce qui est, en fait, une réponse.


J’ai toujours veillé à ce que l’on n’instrumentalise pas la laïcité contre l’Islam, dans tous mes livres, depuis 2003 (avant j’écrivais essentiellement contre l’intégrisme chrétien et l’extrême droite), quitte à devenir la bête noire de Riposte laïque et du FN. L’accusation de racisme ou même d’ « islamophobie » est donc parfaitement injuste et calomnieuse. Venant des soutiens de l’intégrisme, cette mauvaise foi n’est pas surprenante. Le pire est de savoir que Rokhaya Diallo a pu trouver des complices pour commettre son forfait.

Drôle de jury

La complicité de certains membres du jury ne m’étonne guère : Jean Baubérot (pape des accommodements raisonnables à la canadienne), Frédéric Martel (qui a juré de me faire payer une chronique sur Martine Aubry et va jusqu’à me traiter de sarkozyste pour tenter de me discréditer… On rêve !), un journaliste de Politis qui trouve que j’ai eu tort de dénoncer le double discours de Tariq Ramadan, et bien sûr, la spécialiste de l’amalgame féminisme = racisme : Nacira Guénif (auteure d’un livre pro-voile hallucinant sur les « Féministes et le garçon arabe »).

Je pourrais prendre ça à la légère et me contenter d’en rire. Mais ces gens-là, toujours les mêmes (les réseaux indigeno-ramadano-bonifaciens), ne me font plus rire. Leurs amalgames sont dégueulasses et dangereux. Ils défigurent le combat antiraciste pour le transformer ou outil d’intimidation contre toute personne qui osera critiquer le voile ou l’intégrisme. Exactement comme les associations religieuses ayant porté plainte contre Charlie Hebdo, en 2007, dans l’affaire des caricatures.

Je porte plainte

Ce prix va donner raison à tous les sites intégristes qui cherchent à me faire taire depuis des années. Ils jubilent déjà. Merci donc aux Y’a bon Awards de leur prêter main forte. La prochaine étape, c’est quoi ? Payer le ticket de bus à ceux qui rêvent de m’emmener en forêt pour me bâillonner ou me « lapider » (selon les mots des équivalents belges de Rokhaya Diallo ?)

J’ai encore moins envie d’en rire cette année, où je dois faire face à l’agression simultanée de militants des Indigènes du Royaume et aux menaces de cadres du FN. Mais surtout l’année où les locaux de Charlie Hebdo ont été incendiés. L’année où un tueur a assassiné des militaires d’origine maghrébine et antillais avant de tirer sur des enfants d’une école juive. Je crois que la calomnie, si répandue sur Internet et décomplexée par ce type d’amalgame, n’est jamais anodine. Elle facilite le passage à l’acte des extrémistes.

Je vais donc porter plainte. Contre l’association et les membres de ce jury. Pour diffamation et injure voire pour incitation à la haine. Les dommages et intérêts seront reversés à une association antiraciste…. Qui milite vraiment contre le racisme.

Caroline Fourest

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Moi aussi, je veux un Y’a bon award

Par SOPHIA ARAM

Oui je sais, quelle que soit la compétition, il faut faire preuve de fair-play. Mais, on a beau me dire que je dois me montrer bonne joueuse, accepter le verdict du jury et saluer les vainqueurs, je n’y arrive pas. C’est simple, depuis que j’ai appris que Caroline Fourest a reçu un «Y’a bon award» (1) avant moi, je ne décolère pas. Ils ne m’ont même pas nominée. C’est trop injuste, j’aurais dû l’avoir.

D’abord parce qu’elle est nulle. Niveau racisme, c’est une vraie buse. Sérieusement, Caroline Fourest est bien moins raciste que moi. Elle est incapable du moindre ethnocentrisme, de la moindre blague douteuse, de la moindre généralisation communautaire. Ne dînez pas avec elle, même les blagues sur les Belges ne la font pas marrer. Les Belges, merde, c’est le niveau zéro du racisme ordinaire. Du coup je me pose une question. Comment cette grosse, que dis-je, cette immense salope s’y est-elle prise pour me coiffer au poteau ? C’est quand même pas le fait de critiquer «l’utilisation de gymnases publics par des associations pour organiser des tournois de basket réservés aux femmes, voilées, pour en plus lever des fonds pour le Hamas» qui l’a fait gagner ? Parce que s’il suffisait de dire ça, j’aurais pu gagner. A la limite, je comprendrais que le côté laïcarde (qui me réjouit personnellement) en agace certains. Mais là, il faut qu’on m’éclaire parce que là je ne vois pas de racisme.

Alors pourquoi elle et pas moi ? J’y ai pas droit ? C’est parce que je suis basanée ? Parce que si c’est ça, c’est de la discrimination ou je ne m’y connais pas. Rassurez-vous, je ne demande pas à bénéficier d’un passe-droit ni d’aucune forme de discrimination positive. Je veux juste mon Y’a bon award. Parce que niveau racisme, je suis meilleure que Caroline Fourest. Franchement, à part le fait de ne pas être de la couleur qu’il faut pour obtenir les bonnes grâces du jury, qu’est-ce qu’elle a de plus que moi la Fourest ? C’est quand même pas le fait de s’en être pris à Marine Le Pen ou Tariq Ramadan qui a pu l’avantager. Parce que, je vous assure que sur ce terrain-là, j’ai beau faire preuve d’une argumentation moins fouillée, je revendique un niveau tout à fait compétitif. Alors qu’est-ce que c’est ?

Il faut se mettre Rokhaya Diallo à dos ? Mais si c’est que ça, moi aussi, contrairement à Rokhaya, je suis contre la discrimination positive. Moi aussi, je trouve ça dégueulasse de signer un manifeste contre le soutien à Charlie Hebdo, moi aussi, j’ai un goût plus que modéré pour le voile. Bon, c’est réparé, je peux concourir maintenant ? Ou alors… Mais je n’ose le croire, le jury s’est laissé influencer par les blogs des sympathisants frontistes, des anti-IVG, des intégristes juifs, musulmans ou catholiques valorisant les compétences de Fourest en matière d’antisémitisme, d’islamophobie ou d’hétérophobie. Mais si c’est ça, c’est pas juste. Le jury n’a pas le droit d’écouter des compétiteurs sous prétexte qu’ils sont tombés dans le racisme quand ils étaient petits. Le jury n’a pas le droit d’écouter l’avis des concurrents, c’est déloyal. Oh et puis, excusez-moi, mais le coup de grâce, c’est quand j’ai vu que Barbier m’était passé devant. Barbier, franchement, c’est un gag ? Vous voulez m’humilier ou quoi ? A la limite, un oscar du mauvais goût vestimentaire mais pas un Y’a bon. Et tout ça parce que, d’après lui, «l’affaire du Quick halal vient après l’affaire de la burqa, après l’affaire des minarets. A chaque fois c’est la même chose. La République laïque doit résister […] Il faut dire non à tout cela». Mais si Barbier est distingué pour ça, alors je propose immédiatement de priver Régis Debray de ses droits civiques, et de débaptiser toutes les places Emile-Durkheim de France. Le racisme est une chose trop sérieuse pour être laissée à des amateurs. Et puis, quitte à s’en prendre aux laïcards un peu maladroits, je propose de commencer par vider le Panthéon. Qu’Emile Zola et Jean Jaurès sortent les premiers. Ça fera de la place. J’espère que le jury se rattrapera en 2013 et me donnera un Y’a bon award qui soit à la hauteur de mon niveau de racisme. Ce qui me donnera l’occasion de dire au jury ce que je pense du manque d’éthique dont il a fait preuve pour une compétition, qui, si elle ne m’amusait déjà pas, me désole quand elle consacre quelqu’un qui ne le mérite pas. Pour me consoler, hier, j’ai pris mon téléphone pour appeler tous ceux qui auraient pu concourir avec moi et qui partagent l’idée que Caroline Fourest est bien moins raciste que nous. Ils sont unanimes (2) : j’aurais dû l’avoir !

(1) Ce prix, soutenu par les Indivisibles, dit vouloir «épingler de manière ludique un système qui continue à diviser […] en utilisant des peurs racistes à des fins politiques». (2) Dominique Sopo (président SOS Racisme), Nicolas Bedos (auteur), Baya Kasmi (scénariste), Michel Leclerc (réalisateur), Guillaume Erner (journaliste), Renaud Dély (journaliste), Tania de Montaigne (écrivaine), Thomas Legrand (journaliste), Darina al-Joundi (comédienne), Patrick Pelloux (urgentiste), Isabelle Alonso (écrivaine), Gérard Miller (psychanalyste).

http://www.liberation.fr/societe/01012398689-moi-aussi-je-veux-un-y-a-bon-award

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