mardi 6 juillet 2010

" ils ont fait comme s’ils ne comprenaient pas. Alors on les a gazés"

"Tensions" vous avez dit tensions ?
Circulez...


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Dimanche, un groupe de jeunes de Bagnolet a attaqué à la bombe lacrymogène les vendeurs à la sauvette installés devant leur cité. Des échauffourées qui illustrent les tensions grandissantes entre ces “biffins”(chiffoniers) des puces de Montreuil et les riverains et commerçants.

Ils ont entre 15 et 17 ans, l’aspect inoffensif de gamins désœuvrés. Pourtant, cette bande d’une quinzaine de copains du "50", une tour d’immeuble de la rue Edouard Vaillant, à Bagnolet (Seine Saint-Denis), a "gazé" hier des vendeurs à la sauvette de la rue pour les déloger.

Ces "biffins" présents sur tous les marchés vendent – illégalement - tout et n’importe quoi, objets de "récup" ou "tombés du camion", contrefaçons... Aux puces dites de Montreuil, qui couvrent aussi Bagnolet et le 20e arrondissement parisien, ils seraient jusqu’à 3000, selon les chiffres de la police.

Armés de battes de baseball et de gaz lacrymo

Après une manifestation de commerçants excédés par leur présence le mois dernier, les vendeurs ont été chassés du 20e arrondissement. Et se sont repliés essentiellement du côté de Bagnolet, de la rue Vaillant à l'extrémité de l’avenue Gallieni. Avec le cortège de nuisances que dénoncent riverains et commerçants : concurrence déloyale, rues jonchées de déchets abandonnés et trottoirs impraticables.

Les adolescents, qui habitent tous dans les logements sociaux du "50", désigné par certains riverains comme la "cité" du quartier, tentent de justifier l’expédition punitive.

"Il y a des ordures partout dans la rue, c’est dégueulasse. La bouffe par terre, ça attire les rats ; nos mères tombent sur des films X quand elles sortent faire leurs courses ; ils font même leurs besoins dans le square en bas de l’immeuble."

Dimanche, vers 16h, alors que les premiers biffins s’installent dans la rue Edouard Vaillant, les jeunes surgissent, armés de battes de baseball et de gaz lacrymogène. "On leur a d’abord demandé de partir, ils ont fait comme s’ils ne comprenaient pas. Alors on les a gazés." La plupart des vendeurs à la sauvette, Roumains, Bulgares ou Chinois, ne maîtrisent que les rudiments du français.

Samuel, un jeune roumain de 14 ans, assure : "ils ont été tout de suite agressifs : ils ont giflé une veille dame qui rangeait trop lentement ses affaires." Confirmation de deux grands gaillards, brassard "sécurité" au biceps, qui travaillent pour le concessionnaire du marché et ont assisté à la scène. "Nous n'étions pas habilités à intervenir sur cette zone hors périmètre des puces", expliquent les deux hommes. Qui parlementent pour calmer une situation risquant de s’envenimer lorsque les biffins ramènent du renfort. L’affaire n’ira pas plus loin.

"Faire le ménage par eux-mêmes"

Sans excuser l'usage de la violence, les deux membres de la sécurité lâchent : "Ces jeunes ont pris l’initiative de faire le ménage par eux-mêmes, puisque personne ne bouge." A Bagnolet, la police est accusée de ne pas faire son travail. "On appelle le commissariat pour des nuisances et personne ne vient", affirment plusieurs commerçants.

La préfecture de Seine-Saint-Denis et la mairie de Bagnolet pratiqueraient, de leur côté, la politique de l’autruche. "Ils ont baissé les bras. On se sent abandonnés", témoigne un commerçant. Une pétition pour fustiger "l’absence de réflexion politique" circule dans le quartier.

"On a déplacé le problème de Paris à Bagnolet. Au lieu de cacher la poussière sous le tapis, il faut réglementer le phénomène. Ces gens ont le droit d’exister au sein du marché, mais pas n’importe comment", s’indigne un riverain.

La mairie avoue son impuissance. "On ne connaît pas encore la solution. On ne va pas installer une ribambelle de CRS jour et nuit pour les empêcher de s’installer. On interpelle régulièrement la préfecture de Seine Saint Denis et le commissariat, pour trouver des réponses." Depuis 2007, la mairie a embauché six agents ASVP, qui quadrillent la zone pour empêcher les ventes à la sauvette…jusqu’à 18h. Ensuite, tout le monde s’installe.

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"Ils ont déglingué l'image du quartier"

Tout s'accordent à reconnaître les effets néfastes sur le commerce local. Georges, qui tient une boutique de matériel informatique depuis 20 ans sur l’avenue Gallieni, plie bagage le mois prochain. "Je n’arrive plus à faire face, j’ai perdu beaucoup de clientèle, surtout celle qui achète ! Ces vendeurs ont déglingué l’image du quartier." Quelques numéros plus loin, un encadreur vient aussi de fermer boutique.

"Ils s’installent devant le parking et empêchent les clients d’entrer. Et même quand ils ne sont pas là, il y a les ordures. Les clients ne reviennent pas", se désole Jorge Costa, responsable du magasin Saint Maclou de l’avenue.

Les avis divergent sur le comportement des vendeurs à la sauvette. "Il y a des altercations en permanence : des bagarres au couteau entre eux, pour des emplacements, mais aussi avec d'autres personnes. Dernièrement, un éboueur s’est fait agresser", témoigne un commerçant. "Nous, ils nous respectent. Ils ne sont pas agressifs", dément la sécurité.

Affluence de Roumains, Bulgares et Chinois

Les biffins ont toujours existé au sein du marché aux puces. Mais ces dernières années, leur nombre et leur composition ont changé. "Depuis cinq ans, ils sont bien plus nombreux et ne sont plus majoritairement Maghrébins, mais Chinois et "Roms". Ils ne parlent pas notre langue, et ne nettoient pas après leur passage", affirme un commerçant. Une affluence expliquée en partie par l’élargissement de l’Union européenne en 2004.

Un autre soupçonne carrément un "système mafieux". "Ils ont tous les mêmes sacs bleus, les mêmes poussettes, la même façon de travailler. On sent une organisation structurée : les biffins d’autrefois, ce n’était pas la même chose."


Ce lundi (lendemain des incidents), à 18h, aucun vendeur ne s’aventure rue Edouard Vaillant. Les jeunes rôdent au pied du "50". Ils promettent d’être là tous les soirs de marché, soit du samedi au lundi, et sont prêt à "cogner". Pour interdire le stationnement dans "leur" rue. Une dérive inquiétante qui illustre l'urgence d'une réponse politique.

http://www.lesinrocks.com/actualite/actu-article/t/46578/date/2010-07-06/article/bagnolet-justice-sauvage-contre-des-vendeurs-a-la-sauvette/

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