samedi 19 juin 2010

«Nous devons comprendre l’aspect culturel de ces importations pour certaines communautés africaines»

Le trafic de viande explose à Roissy

RISQUE SANITAIRE | L’ampleur du trafic inquiète les autorités sanitaires. Celles-ci craignent l’apparition en Europe de maladies dont ces viandes de contrebande peuvent être porteuses.


Du singe, du crocodile ou encore du porc-épic séchés: cinq tonnes de viande de brousse transitent chaque semaine par l’Aéroport Roissy-Charles de Gaulle, à Paris. Cette estimation, établie par une équipe internationale de recherche, surprend et inquiète. Ces viandes d’animaux sauvages en provenance d’Afrique de l’Ouest peuvent en effet être des vecteurs de contamination à l’homme de maladies comme le virus Ebola.

Selon l’étude parue cette semaine dans la publication scientifique britannique Conservation Letters, 118 kilos de viande de brousse ont été saisis sur vingt-neuf vols d’Air France en provenance d’Afrique à leur arrivée à l’aéroport parisien, sur une période de dix-sept jours.

Neuf passagers détenaient dans leurs bagages cette marchandise de contrebande en des quantités pouvant atteindre les 50 kilos. Onze espèces animales différentes allant du singe à l’antilope, en passant par le crocodile et le pangolin ont été identifiées. Près de la moitié de ces animaux figurent sur la liste des espèces menacées et protégées. Selon les experts, ce trafic à destination de restaurants exotiques ou pour la consommation familiale touche tous les aéroports européens.

Contactées par téléphone, les douanes de l’Aéroport international de Genève ne font pas état «de découvertes de ce genre» dans une période récente. Le chef de la subdivision du trafic touristique des douanes, Arnaud Rudisuhli, constate que «de petites quantités ont été saisies de temps à autre». Rien d’alarmant donc. A Paris, le problème serait autrement préoccupant.

«Détecter et saisir ces produits n’est pas une priorité des douanes, notent les auteurs de l’étude. Et les amendes, qui s’élèvent à 450 euros (618 francs) ne sont guère dissuasives.» Sur le marché de la contrebande, cette viande d’animaux sauvages se négocie environ 30 euros le kilo (41 francs).

Le SRAS provenait de la consommation de civette

«Nous devons comprendre l’aspect culturel de ces importations pour certaines communautés africaines», explique Nina Morano, cheffe de l’unité de quarantaine des services vétérinaires américains. «Le problème, c’est qu’il n’y a aucune réglementation pour la préparation de la viande d’animaux sauvages qui pourrait la rendre sûre», ajoute-t-elle dans une déclaration à l’agence AP.

«Si vous avez un contact intime avec un animal sauvage – et le manger est une manière de l’avoir – vous pouvez être exposé à toutes sortes de maladies», prévient Malcolm Bennett, de l’Université de Liverpool. Le risque de présence de salmonelles est plus élevé pour ces viandes. En outre, des virus émergents comme le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère), qui a tué 800 personnes en 2002 en Chine, proviennent de consommation de viande de brousse (en l’occurrence, la civette, consommée dans le sud du pays).

http://www.24heures.ch/actu/monde/trafic-viande-explose-roissy-2010-06-18

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