vendredi 4 juin 2010

L'Égypte empêtrée dans le blocus de Gaza

Destinée à calmer la colère de l'opinion publique égyptienne, l'ouverture du terminal de Rafah ne veut pas dire pour autant que le blocus de Gaza va être assoupli.

«Crime contre l'humanité», «massacre barbare», «banditisme sioniste» : la presse cairote ne décolère pas depuis l'assaut israélien contre la flottille au large de Gaza. Mais elle s'en prend aussi à ses propres autorités : «Ceux qui ont fermé la frontière et construit un mur en acier pour renforcer le blocus de Gaza sont complices de ce crime», accusait mardi Wael Qandil, éditorialiste du journal indépendant Al-Chorouq al-Gedid. «Ahmed Aboul Gheit (ministre des Affaires étrangères, NDLR) est aussi responsable, car il avait menacé de casser la jambe de tout palestinien tentant de franchir la frontière.» Depuis le début de la semaine, des milliers d'Égyptiens ont manifesté tous les jours pour demander l'expulsion de l'ambassadeur d'Israël et l'arrêt de l'exportation très controversée de gaz naturel vers l'État hébreu.

À son retour de Nice, où il coprésidait lundi le sommet France-Afrique, Hosni Moubarak a compris qu'il lui fallait réagir. Sous le feu des critiques, le président égyptien a donné l'instruction «d'ouvrir le terminal de Rafah afin de faire entrer les aides humanitaires et médicales nécessaires pour la bande de Gaza et accueillir les blessés et les malades qui doivent passer par l'Égypte», sans fixer, au moins officiellement, de date limite. Le terminal, seul point de communication entre l'enclave palestinienne et le monde extérieur, est fermé en quasi-permanence depuis le coup de force du Hamas à Gaza en juin 2007. «Nous voulons alléger la souffrance des Palestiniens après l'attaque de la flottille», précise un officiel égyptien.


Calmer la colère populaire

Destinée à calmer la colère de l'opinion publique égyptienne et arabe, l'initiative du président Moubarak n'augure pas pour autant d'un assouplissement durable du blocus de Gaza. L'Égypte n'a en effet aucune intention d'offrir au Hamas une victoire qui renforcerait sa légitimité. Le Caire, qui ne cache pas sa préférence pour le Fatah du président palestinien Mahmoud Abbas, craint notamment qu'un Hamas triomphant ne donne des ailes à ses propres islamistes, les Frères musulmans, dont deux députés étaient à bord d'un des bateaux de la flottille.

Les relations entre le Hamas et l'Égypte se sont encore détériorées ces six derniers mois, depuis que Le Caire a commencé à construire une barrière en acier souterraine pour lutter contre les trafics dans les tunnels sous sa frontière. Hosni Moubarak en avait pris l'engagement sous l'insistance de Nicolas Sarkozy à la fin de l'offensive israélienne «Plomb durci», en janvier 2009, pour convaincre Israël d'accepter un cessez-le-feu. Le mois dernier, le Hamas a aussi accusé l'Égypte d'avoir provoqué la mort de quatre trafiquants en injectant du gaz dans un tunnel.

Pour justifier le maintien du blocus, l'Égypte se retranche derrière une position de principe : «L'ouverture définitive de Rafah rendrait l'Égypte responsable de Gaza et laisserait le champ libre à Israël en Cisjordanie ; ce serait un coup fatal porté à la cause palestinienne », argumente une source diplomatique. Au Caire, on exclut donc toute «solution durable tant qu'il n'y aura pas de réconciliation interpalestinienne», à laquelle l'Égypte œuvre sans succès depuis bientôt trois ans.

http://www.lefigaro.fr/international/2010/06/02/01003-20100602ARTFIG00703-l-egypte-empetree-dans-le-blocus-de-gaza.php

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