mardi 31 mars 2009

Une femme suisse contre l'intégrisme musulman

Mireille Vallette, 58 ans, Genevoise et Française, féministe convaincue, femme de gauche et athée, dénonce impitoyablement le double langage des intégristes.

Aujourd'hui, critiquer certaines pratiques de l'islam passe immédiatement pour de l'islamophobie. Contre cet état de fait, une démocrate et féministe suisse convaincue part en guerre. Elle signe un livre implacable qui dénonce la tactique des intégristes islamiques qui veulent endormir la capacité critique des démocraties. Dont la Suisse

Petite, à l'apparence presque frêle, une voix cristalline mais entêtée: Mireille Valette, 58 ans, genevoise et française, ancienne journaliste, collaboratrice aujourd'hui d'une institution genevoise, n'a rien d'une va-t-en-guerre.

Méfiez-vous des apparences: cette femme-là vient d'écrire un livre (en librairie dès mardi, Ed. Favre) promis à un beau débat et sans doute à un flot de polémique. Son titre? «Islamophobie ou légitime défiance?». Sous-titre: «Egalité des sexes et démocratie: les Suisses face à l'intégrisme islamique».

A quelques encablures de la votation sur l'initiative antiminaret, voilà qui promet.

Des spécialistes du double langage

Et que dit-elle, Mireille Valette, dans ce livre? Ceci: lorsqu'il s'agit d'islam, en Suisse, les seuls à se faire constamment et durablement entendre, du côté de cette religion, ce sont les intégristes, leurs imams et leurs porte-parole. Pire encore: pour endormir les foules, ces porte-parole se parent des plumes du modernisme et de l'ouverture d'esprit, et sont les spécialistes du double langage, de l'esquive et du louvoiement.

Mireille Valette, comme on dit, n'y va pas par quatre chemins. Un faisceau de convictions l'anime, elle en fait sa grille de lecture du monde. Pour aller vite: démocrate et féministe convaincue, elle place l'égalité de l'homme et de la femme, la laïcité, la liberté d'expression et le respect des libertés individuelles au centre de ses préoccupations.

Ces valeurs, elle y croit. Elle pense aussi qu'elles fondent nos sociétés occidentales.

Puis elle observe: l'islam, dans son interprétation littérale, ne respecte pas l'égalité de l'homme et de la femme. Cet islam ne respecte pas la laïcité. Cet islam ne respecte pas la liberté d'expression. Cet islam ne respecte pas les libertés individuelles fondamentales. Comme par exemple la liberté de renoncer à sa religion.

Le constat de Mireille Valette est implacable, minutieux, documenté. Il va de l'apostasie, punie de mort dans certains pays islamiques, aux mariages forcés, en passant par le port du foulard, les dispenses de gymnastique, l'excision, les fatwas lancées contre la liberté d'expression, l'application rigoriste de la charia... La liste est longue.

Au terme de chacune de ces observations vient alors la question couperet, la question test: et que disent les imams, et que disent les porte-parole «modérés», et que disent les élégants intellectuels musulmans qui tiennent le haut du pavé ici, en Suisse, des pratiques concrètes, avérées, de cet islam-là, de cet islam obscurantiste et mortifère?

Tous ou presque se défilent

La démonstration de Mireille Valette est alors cruelle, terriblement cruelle: tous tant qu'ils sont, porte-parole, imams, intellectuels se défilent, se tortillent, esquivent, ne répondent pas, ou font savoir, comme le président de la Ligue des musulmans de Suisse: «La ligue des musulmans de Suisse ne souhaite entrer en matière que sur les questions liées aux musulmans en Suisse, mais pas en Afghanistan, en Irak ou en Arabie saoudite». C'était à propos d'un homme qui avait renoncé à sa religion et avait été condamné à mort, mais en Afghanistan...

Tariq Ramadan ne condamne pas l'excision
Autre exemple, parmi des dizaines, l'excision. L'élégant et persuasif «moderniste» Tariq Ramadan la condamnera-t-il, cette pratique? Mireille Valette: «On pourrait imaginer qu'il condamne sans «si» et sans «mais». C'est trop demander». Et la féministe de citer l'intellectuel: «L'islam reconnaît les pratiques culturelles dès lors qu'elles ne s'opposent pas à une obligation ou à un interdit». Mireille Valette traduit et décode: «Explication de texte: l'excision est une pratique culturelle qui n'est ni obligatoire ni interdite par les textes sacrés, les croyants peuvent donc parfaitement la pratiquer avec l'appui de certains savants musulmans».

Forte de tous les exemples qu'elle a accumulés, forte de centaines de citations, la frêle mais entêtée Mireille Valette enfonce alors son clou: pourquoi tous ces prétendus modérés, tous ces prétendus libéraux, tous ces prétendus humanistes ont-ils tant de peine à condamner l'intolérable? Parce qu'ils ne sont ni modérés, ni libéraux, ni humanistes. Parce qu'ils sont l'intégrisme qui avance masqué.

Au terme de sa démonstration impitoyable, Mireille Valette en appelle au débat: elle veut qu'on cesse de taxer d'islamophobe toute personne qui ose émettre une critique à l'endroit de certaines pratiques de l'islam. Elle réclame qu'on ouvre enfin un débat de fond sur l'islam en Suisse. Un débat réaliste et politique. Un débat démocratique.

À LIRE

«Islamophobie ou légitime défiance?» (Ed. Favre)

Payot Librairie et la «Tribune de Genève» organisent le 7 avril à 18 h 30 au Cercle de l'Espérance à Genève une rencontre avec l'auteur.



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«Cessons de réduire le débat à cela: les bien-pensants contre les islamophobes!»



Vous êtes, Mireille Valette, féministe et femme de gauche. Quand vous est venue l'idée d'un tel livre?
Le sujet m'a passionné très vite. Moi, je suis comme cela: quand tout à coup je ne comprends pas quelque chose... il faut que je comprenne. En 1979, j'étais, comme beaucoup de mes camarades de gauche, fascinée et enthousiasmée par la révolution iranienne. C'était l'époque de l'ayatollah Khomeiny à Neauphle-le-Château, en France. Une collègue journaliste, Joëlle Kuntz, était allée l'interviewer à Neauphle. De retour, elle nous dit que pour l'approcher, elle avait dû porter un voile. Ça a fait tilt dans mon esprit. Et j'ai commencé... disons à m'interroger.

C'est comme dans la chanson de Boris Vian: «Il y a quelque chose qui cloche là-dedans, j'y retourne immédiatement!». Vous avez donc creusé?
Oui. J'ai lu des livres comme celui du journaliste de Libération Marc Kravetz, «Irano Nox», ou celui de V.S. Naipaul, «Crépuscule sur l'islam». J'ai couru le terrain, lu, recoupé, rencontré Tariq Ramadan. J'ai même participé à un congrès des musulmans de Suisse où, j'en souris encore aujourd'hui, j'avais posé la question suivante: «Mahomet a fait, en son temps, avancer la cause des femmes en instituant deux trois améliorations notables. Par rapport à l'époque, bien entendu. Pourquoi, vous, musulmans d'aujourd'hui ne poursuivez-vous pas son oeuvre émancipatrice, en promulguant d'autres améliorations encore?» Je ne vous cache pas que la question a été mal reçue...

Tariq Ramadan ne m'avait pas aidée sur le moment. Mais quelques jours plus tard il m'avait appelée pour me dire qu'il était d'accord avec moi. Déjà ce double discours, déjà les allégations que l'on tient devant les musulmans et celles que l'on tient devant les autres.

Quel est, pour vous, le plus grand obstacle actuellement dans le dialogue que des gens comme vous mènent avec l'islam et les musulmans?
Le fait que le Coran soit considéré comme la parole de Dieu. Point barre. C'est évidemment un obstacle considérable à toute exégèse progressiste.

Vous dites les choses sans détour. Vous ne craignez rien?
Je vais vous dire: je ne suis pas sûre aujourd'hui qu'on pourrait publier un livre, un livre d'histoire j'entends, qui s'intitulerait «Mahomet n'a jamais existé». Il y a pourtant des historiens qui doutent de son existence historique. Je ne suis pas sûr qu'on puisse douter ainsi dans un livre...

Et que craignez-vous pour le débat que vous ouvrez aujourd'hui avec votre livre?
Qu'on réduise ce débat à une lutte entre les bien-pensants contre les islamophobes, les racistes, les réactionnaires. Car du coup, le vrai débat n'a jamais lieu.

http://www.lematin.ch/tendances/societe/femme-suisse-contre-integrisme-musulman-103204

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