mardi 5 février 2008

Dans le Sinaï égyptien, la chasse au Palestinien est ouverte

(De El-Arish) "Pas de chambres pour les Palestiniens, c'est interdit!", répète-t-il sans états d'âme. Il donne même l'impression d'être ennuyé de devoir répéter indéfiniment la même phrase et les expressions de désarroi des Palestiniens -souvent de petits groupes de jeunes hommes, parfois des femmes seules- ont l'air de le laisser de marbre. Et ce n'est pas parce qu'il n'a pas de cœur. Son frère aîné, propriétaire de l'hôtel, a été arrêté la veille et gardé en cellule 12 heures. Les policiers ont fait une descente dans son hôtel et ont trouvé trois Palestiniens.

"Mon frère a été embarqué parce qu'il a reçu trois invités palestiniens dans son bureau, il ne leur a même pas loué de chambres", explique-t-il:

"Notre vie ici est devenue un enfer, l'électricité et l'eau ont été coupées dans tout El Arish pendant deux jours. Ordre a été donné aux commerçants de fermer boutique, des policiers ont été placés devant les magasins pour les empêcher d'ouvrir, tout ça pour chasser les Palestiniens."


Passée la stupeur qui a suivi "le déferlement de Palestiniens" une fois percée la frontière séparant la Palestine du Sinaï égyptien, mercredi 23 janvier, c'est toute la région du Nord Sinaï qui a été mise sous étroite surveillance. Alors que presse et gouvernement égyptiens annoncent que "la situation est maîtrisée", que "la région d'El Arish a été vidée de tous les Palestiniens", la situation sur place, plus d'une semaine après la percée des frontières, est plus que tendue.

La région est passée au peigne fin par tous les corps de sécurité à la recherche de Palestiniens. Les barrages de police sont nombreux et les officiers qui y sont stationnés sont nerveux, tendus et ont l'air exténués et dépassés. Ils ne laissent passer ni journalistes ni curieux, encore moins les convois de camions envoyés du Caire par les associations égyptiennes en solidarité avec les Palestiniens, transportant nourriture, médicaments, couvertures, gasoil et générateurs électriques.

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Lorsqu'on sait que le Nord Sinaï est l'une des régions les plus pauvres d'Egypte et que les relations entre les bédouins natifs de la péninsule et les représentants du gouvernement, administration et corps de sécurité, tous natifs de la vallée du Nil, sont tendues, on peut imaginer la nervosité des autorités face à un débarquement aussi massif et incontrôlé de Palestiniens dans le Sinaï.
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Du coup, les camions chargés de vivres mais qui ne portent pas la bannière officielle du Croissant-Rouge sont systématiquement empêchés de passer. "Vous savez, ils sont très mélangés entre eux, ils ont beaucoup d'intermariages et beaucoup de choses en commun, ce qui fait que pour nous la tâche n'est pas si simple", m'explique un officier militaire dans un barrage à 10 km de Rafah. Pour lui, le "ils" se réfère aux Palestiniens et aux natifs du Sinaï, tous mis dans le même paquet des "autres".
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Selon lui, jusqu'à lundi 7000 Palestiniens ont été "rapatriés" vers Gaza, mais il ne se risque pas à avancer qu'il n'y a plus "de Palestiniens dans le Sinaï".

Sur le chemin du retour, de part et d'autre de la route, on peut voir des policiers courant à travers champs, de longs bâtons à la main, à la recherche de ceux parmi les Palestiniens qui préfèrent éviter les check-points. En traversant le petit village de Cheikh Zouayyed, à quinze kilomètres de Rafah, le spectacle est saisissant: des camionnettes bleues de police transportent des policiers en civil au gabarit impressionnant et aux têtes toutes cachées sous des bonnets. Ceux-ci hurlent contre les commerçants qui ont osé ouvrir leurs boutiques.
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http://www.rue89.com/2008/02/05/dans-le-sinai-egyptien-la-chasse-au-palestinien-est-ouverte

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