jeudi 15 septembre 2011

Printemps arabe : balivernes et réalités

Le Point.fr

Beaucoup de sottises ont été dites ou écrites à propos des révolutions en Tunisie, en Égypte et en Libye. Il s'agit de trois scénarios distincts. Inventaire.

Toutes les révolutions charrient leur cohorte de symboles, d'histoires édifiantes, de mots apocryphes, de héros réels ou fabriqués. Cette fantasmagorie participe aussi à l'édification de l'histoire, à la création de mythes fondateurs. Le printemps arabe n'échappe pas à la règle. Quitte à naviguer à contre-vent, et sans vouloir dévaloriser le moins du monde ce formidable mouvement d'émancipation, tentons un bref inventaire de cette imagerie et de ces contre-vérités.

Première contre-vérité : le peuple entier était dans la rue.

C'est évidemment faux. "Le jour de la chute de Ben Ali, il n'y avait pas plus de 10 000 manifestants dans les rues de Tunis", dit un observateur particulièrement bien placé. En Égypte, le nombre de protestataires dans le centre du Caire n'a jamais dépassé les 150 000. Cela n'enlève rien à l'importance de l'évènement, mais le relativise dans un pays de plus de 80 millions d'habitants.

Deuxième contre-vérité : l'Internet a été déterminant.

Si les nouveaux médias ont joué un rôle crucial pour informer le monde extérieur, ils n'ont eu qu'une fonction relativement mineure dans la mobilisation interne. En Égypte, environ 2 millions de personnes (sur 83 millions) sont connectées à Internet.

Troisième contre-vérité : le peuple a pris le pouvoir dans les trois pays.

En Tunisie, ce sont d'abord les caciques qui assurent une transition compliquée vers des élections démocratiques. En Égypte, c'est l'armée qui est aux commandes. Les manifestations ont débouché sur un coup d'État. Au grand soulagement de beaucoup d'Égyptiens, qui voient dans l'institution militaire un gage de stabilité. Si les généraux n'interviendront sans doute pas dans le processus des législatives, il faudra que le prochain président soit "militaro-compatible ", selon le mot d'un spécialiste. En Libye, sans l'intervention de l'Otan et la détermination de Nicolas Sarkozy, Kadhafi régnerait toujours à Tripoli malgré l'exaspération d'une grande partie du pays.

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