mercredi 7 octobre 2009

L’école française est-elle soluble dans l’Islam ?

Ce soir, pantouflard et rigolard, j’ouvre mon Libé électronique ; en page d’accueil, un gros titre : « Le ramadan, j’adore ! » Ah ? Intrigué, je clique ; c’est en fait un « libéblog » où se croisent les « regards » de deux « enseignants », un en zep et un autre à Paris (sous-entendu, pas en ZEP parce qu’à Paris, n’est-ce pas, il ne peut y avoir ni de ZEP ni de combats de rue ; Paris est trop pur pour cela). Le prof de ZEP, Guillaume, s’extasie devant le Ramadan, car « qu’on soit un laïcard acharné ou un cul béni, le ramadan, en ZEP, on ne peut pas y échapper. Bien sûr ce serait l’occasion pour les profs de réfléchir ensemble à la modernité de la laïcité qui pourrait concilier tolérance, ouverture, respect de l’autre et affirmation de valeurs communes… » Des « valeurs communes » à partir de la République ? De l'humanisme ? Penses-tu… Du Ramadan, bien entendu. C'est l'Islam qui est désormais l'occasion d'une ouverture, et non la République qui ménage son accueil ; l'initiative provient du ramadan, à partir duquel se pensent le respect de l'autre et les valeurs communes, et non le respect de l'autre à partir duquel se pense la place ménagée à l'Islam… Guillaume, c’est un mec bien ; ouvert, laïc mais accueillant, pétri du « respect de l’autre », tolérant avec l’Islam, et tout et tout.
Puis, toujours émerveillé, Guillaume décrit la manière par laquelle toute l’école vit au rythme du bel Islam : « Mais pour les profs, le Ramadan c’est surtout la possibilité de ne pas faire la queue avec les élèves à la cantine. C’est aussi un petit mois pendant lequel on n’a plus à se battre pour faire jeter les chewing-gums en début de cours. Au début du ramadan, les élèves essayent même de ne pas s’insulter, de ne pas se taper, d’être tout gentils. Ça ne dure pas longtemps mais ça développe leurs capacités de mémorisation à long terme. «Tu vas voir, je fais rien parce que c’est ramadan, mais je retiens. Je vais te niquer grave dans trois semaines. » Le prof en profite parfois directement dans le cadre de ses pratiques pédagogiques. Ainsi ai-je pourri Edmond qui n’avait toujours pas son cahier et qui gravait son blaze sur la table au compas. Rappelons à nos lecteurs de la Creuse qu'un blaze est un surnom par lequel le ‘jeune’ affirme une identité post-moderne utile sur msn ou iChat. Edmond fut évidemment excédé par mes reproches mais il s’est retenu. « Vas-y, ttt… J’lui réponds pas c’est ramadan. » »

On imagine volontiers Finkielkraut lisant ce « témoignage » et s’effondrant nerveusement, laissant paraître un sourire triste avant de balancer un tonitruant : « c’est hallllucinant ! parce que, si vous voulez, ce n’est plus l’école qui tolère le Ramadan, c’est en fait l’Islam qui tolère l’institution scolaire » (il ne l’a pas dit, mais j’imagine…) Il ne l’a pas dit mais il aurait raison de le dire car c’est tout à fait pathétique le témoignage de ce jeune enseignant cool : il faut lire vraiment ce qu’il raconte avec le sourire et la joie citoyenne au bout des cils ! une remarque d’un prof ? « vas-y, ttt, j’lui réponds pas, c’est ramadan ! » Sous entendu : « pauvre merde, que pèse ta remarque de misérable prof face à l’importance de mon cinquième pilier ! » Ou mieux : « si je nique pas ta race de sale prof de mes deux, c’est parce que ma religion me l’interdit momentanément. » Où il est prouvé que l’Islam est en effet, momentanément, tolérant et ouvert… Ce qui interdit à l’élève de ne pas répondre à son prof, de ne pas l’insulter – ou de ne pas le frapper – ce n’est pas la politesse, ce n’est pas le respect de l’école, ce n’est pas non plus le respect de la personne humaine, non, c’est sa religion, « c’est Ramadan ».
Mais, pétri d’émotion tolérante devant ses élèves « tout gentils », le professeur poursuit : « Alors, quand c’est ramadan, je mange et je bois devant les élèves à chaque cours. Une gorgée d’eau, un petit tic-tac, une petite phrase toute drôle : «Rhoo, il est déjà cinq heures ! Z’avez pas envie d’un goûter? » Des provocations opportunes pour initier des échanges passionnants avec les élèves. « Vous croyez que vous nous faites envie avec vos tic-tac ? D’accord, on mange pas pendant la journée mais le soir, vous, vous allez rentrer, et qu’est-ce que vous allez manger ? A la française ! Un petit peu de salade. Un petit peu de poulet. Un petit peu de vin… Alors que nous…» »


C’est tout à fait admirable : regardez comment le prof installe la mise en scène de sa propre ouverture à l’aide d’une suggestion de sa complicité avec les élèves ; nous sommes tellement potes, susurre-t-il, qu’il m’est possible de les provoquer, de les narguer, privilège rare réservé à ceux qui savent ouvrir leur cœur à l’Autre ; face à ce citoyen patenté, que font les élèves ? Ils semblent jouer le jeu ! Mais que disent-ils : « nous ». « Nous », c’est-à-dire notre communauté de croyants, en opposition à « vous », « vous » le peuple qui mange « à la française » ! Pauvres infidèles, pauvres « vous », avec vos minables mesquineries, vos « un petit peu de… », vos rationnements : regardez comme vous semblez pâles par rapport à « nous », qui allons nous vautrer dans l’orgie ce soir tandis que vous lécherez votre misérable pruneau sec devant votre femme aigrie.

O professeur citoyen, ô homme de l’autre, ô ami de la tolérance, comme je t’envie, toi qui as si bien su tirer gloire de ta propre indignité, toi qui as si merveilleusement cru être admirable parce que méprisé par la figure de l’autre, toi qui as pensé être respectable parce que capable de faire ajourner ta baffe par ton élève, toi qui as cherché ta substance dans l’aliénation. Toi qui, surtout, as ouvert ton article par ces phrases : « Cette année, le ramadan a commencé jeudi. Rappelons à nos lecteurs d’Alsace-Lorraine que le ramadan est l’un des cinq piliers de l'islam. » L’Alsace-Lorraine, vous savez, cette région arriérée où trainent encore des crucifix que toi, ô homme de la tolérance attitude, conchies et méprises en priant chaque soir du haut de ton athéisme, que ces Christ en croix soient remplacés au plus vite par un Coran encadré. O toi qui as dû passer ta jeunesse à vomir ta haine sur le Christianisme au nom de la laïcité et de l’athéisme militant et qui es à deux doigts d’abandonner le porc par solidarité avec cette formidable religion que tu ne cesses d’admirer, et au sujet de laquelle, surtout, tu ne cesses de crier ton admiration car le Bien, cela se clame et se déclame, ô toi qui te crois honoré d’être admis par ceux-là qui retiennent leurs insultes à ton égard parce que c’est Ramadan, sache que j’envie ta belle candeur.

Evidemment, nous sommes sur un Libéblog, ce qui signifie une certaine communauté implicite entre l’Auteur et les lecteurs ; alors ceux-ci, certainement éblouis par le bain de Bien que leur a offert Guillaume, ne veulent pas être en reste au rendez-vous de l’auto-célébration citoyenne. Ainsi, ce premier lecteur, l’œil embué, qui évoque lui aussi un témoignage perso : « Ah le ramadan en ZEP…mine de rien avant de le connaître, on ne se rend pas compte à quel point c'est important. Et j'adorais voirs [sic] les gamins essayer d'être tous polis, tous gentils et de ne pas dire La Mecque au début de chaque insulte. Et je ne sais pas vous, mais quelques-uns étaient suffisamment sympas pour nous ramener des gâteaux tout bons. » Ouah, mais que deviendraient les élèves sans l’Islam et le Ramadan ? Que deviendraient les profs sans cette période bénie du Prophète ? Vous vous rendez compte, on se fait insulter comme toujours mais sans que l’on ne jure sur la Mecque ! L’insulte y est comme purifiée, l’air plus respirable, l’Islam plus beau. Ils sont « tous gentils » les gamins, ils insultent autant mais sans faire intervenir la Mecque ; ô soulagement. Et que dire également de cette charmante lectrice, un peu agacée par la perfide référence à l’Alsace-Lorraine de Guillaume ? « Les lecteurs d'Alsace-Lorraine sont aussi concernés par le ramadan si ce n'est plus qu'en Seine-St-Denis, étant donné que la plus grande communauté turque siège près de la frontière… on n'est pas si reculé que ça, même si pour vous c'est la province. » Mais nous aussi on a nos musulmans, merde quoi ! Vous nous prenez pour qui, Guillaume ? Pour des chrétiens ou quoi ? On n’est pas « si reculé que ça »… En « province » aussi, on a droit à la civilisation, au progrès, à l’Islam, au Ramadan ; ces Parigots, faut toujours qu’ils se croient plus islamisés que les autres ! Arrogance de la capitale…

http://presqueriensurpresquetout.unblog.fr/tag/actualite/islam-en-france/

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Jeunes maghrébins : une « volonté de désaffiliation nationale »

Dans le cadre du match de la haine anti-française, France-Tunisie de mardi dernier, Iannis Roder évoque l’état de profond désamour existant entre les jeunes maghrébins et la France. Ce constat, Iannis Roder le dresse dans son livre : Tableau noir (Editiond Denoël). Un bilan tiré également de son expérience en tant que professeur dans un collège de Seine-Saint-Denis. Dans Le Parisien de ce jour, Iannis Roder témoigne sans langue de bois de l’opposition radicale de ces jeunes originaires d’Afrique du Nord à leur pays d’accueil.

« Dans mon collège, de très nombreux élèves, une quinzaine par classe environ, expriment une volonté affichée de désaffiliation nationale. Ils portent des sweat-shirts aux couleurs du Maroc, écrivent "Algérie en force" sur leur trousse, disent que la Marseillaise que je leur fais apprendre en 4ème n’est pas leur hymne, ou que ça sert à rien. Ils ont un vrai problème de positionnement identitaire : pas question d’apparaître Français. Pour certains, être céfran, c’est la honte, c’est être un bouffon, un bolos (quelqu’un qui a peur), voire un jambon-beurre. Tous ou presque, mais pas les Asiatiques, préfèrent revendiquer la nationalité d’origine de leur famille, même lointaine », dévoile l’enseignant.

Un état d’esprit où la fierté d’être Français est totalement absente. « La France, ce n’est pas leur patrie, mais un pays dans lequel ils vivent, une nationalité administrative, juste des papiers. Bref, ils ne se sentent pas Français », analyse Iannis Roder. Néanmoins, ces jeunes étrangers à la patrie française restent lucides sur la réalité historique du pays qui les supporte. Pendant la Coupe du monde de football 2002, les élèves de l’enseignant soutenaient toutes les équipes possibles, mais pas la France. Quand les Bleus gagnaient certains matchs en 2006, ils lui disaient : « M’sieur, y a pas un Français dans l’équipe ! Je me souviens que, lors d’un devoir d’éducation civique, une photo de trois joueurs Zidane, Karembeu, Petit était accompagnée de cette question : En quoi l’équipe de France témoigne-t-elle de la diversité de la population française ? Beaucoup m’ont répondu : Il y a un Arabe, un Noir et un Français… Seul le Blanc était considéré comme Français, alors que tous portaient le maillot tricolore », note désabusé Iannis Roder.

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