lundi 7 janvier 2008

islam livre "al sira"

Ce qu’il a vraiment dit...Mahomet et les femmes
Mariage, voile, lapidation, mixité... Quelle était vraiment la pensée de Mahomet? Comment la distinguer des ajouts ou des interprétations de ses disciples? Pour répondre à ces questions, Josette Alia a rencontré deux hommes, deux intellectuels, Adel Rifaat et Bahgat Elnadi, dont le livre «Al-Sîra», publié sous le pseudonyme de Mahmoud Hussein chez Grasset, a l’immense mérite de faire revivre le Prophète tel qu’il était, décapé des surcharges et des superstitions dont l’a recouvert la postérité
Le Nouvel Observateur. – Ce qui frappe en lisant ces textes, c’est le fait que Muhammad (1) réaffirme souvent, avec beaucoup de vigueur, qu’il est un homme comme les autres, un homme qui peut se tromper. Un homme dont les avis peuvent être contestés. Sauf quand Dieu lui dicte directement Sa Parole. Muhammad répète: Je ne suis pas Dieu, je ne suis qu’un homme, un messager.
Mahmoud Hussein. – Il le répète parce qu’il est harcelé par ses adversaires de La Mecque qui lui disent: Puisque tu es le Prophète et que Dieu s’adresse à toi, fais donc quelques miracles; Jésus a ressuscité les morts et donné à ses compagnons une abondante nourriture; nous sommes des gens pauvres, nous n’avons rien, alors répands sur nous la manne, trouve de l’eau, fais du désert un jardin, et nous te croirons. Le Prophète répond: «Je n’ai pas été envoyé pour cela. J’ai été envoyé pour délivrer le message de Dieu.»
N. O. – Donc aucun miracle n’est raconté dans les textes?
M. Hussein. – Aucun. Il faut insister là-dessus parce que certains ont cru, et croient toujours, que le Prophète réalisait des miracles. Encore aujourd’hui des imams ignorants le racontent dans les mosquées. Le dire est une hérésie condamnée par l’islam.
N. O. – Beaucoup de musulmans croient pourtant que toutes les paroles du Prophète ont valeur d’obligation – même celles qui n’ont été que rapportées et qui concernent plutôt des coutumes ou des traditions, lorsqu’il parle par exemple des femmes.

(...)
N. O. – C’est un très beau texte, qui a aussi des aspects assez amusants lorsqu’il évoque la figure de la femme de Muhammad, Khadija. Après la révélation de l’ange Gabriel, Muhammad, inquiet, se réfugie chez Khadija et «se blottit contre sa cuisse» avant de lui confier ses craintes. Elle le réconforte: «Réjouis-toi et reste ferme. Par celui qui tient entre ses mains mon âme, tu seras, je l’espère, le prophète de cette nation.» Puis, en femme raisonnable, elle court chez un devin, son cousin Waraqa ibn Nawfal, qui confirme: «Muhammad n’est pas possédé par les djinns. Il sera un prophète.» Mais Muhammad n’est toujours pas rassuré. Il a peur des démons. Gabriel revient, confirme ses messages divins. C’est Khadija qui donnera à son époux la preuve ultime que Gabriel n’est pas un démon. Elle le prend sur son genou droit, sur son genou gauche, sur ses deux genoux, demande: «Vois-tu Gabriel?» Il répond oui. Par trois fois, même question, même réponse. Finalement, Khadija ouvre sa chemise, serre son mari contre elle et lui demande: «Vois-tu encore Gabriel? – Non, répond Muhammad. – Réjouis-toi. Par Dieu, c’est un ange et non pas un démon.» Car, contrairement aux démons, un ange ne s’immisçait jamais entre un homme et une femme en état d’intimité. N’est-ce pas une belle histoire? Elle prouve en tout cas à quel point Khadija a joué un rôle important dans la Révélation.
M. Hussein. – C’est indéniable. Elle est la première à avoir cru en Muhammad. Quand il doute, pendant les longues périodes où Dieu cesse de se manifester, quand il est désespéré et songe à se jeter du haut d’une colline, elle se moque gentiment de lui: «On dirait que ton Dieu t’a abandonné», mais elle le soutiendra jusqu’au bout quand il devra combattre les siens, renier les idoles, résister à toutes les pressions. Khadija est une forte femme et elle connaît la vie. Deux fois mariée, deux fois divorcée, elle dirige une entreprise de caravanes, elle est riche et respectée. C’est elle qui a choisi Muhammad comme mari, et non l’inverse. Elle qui prend l’initiative de lui envoyer une marieuse et qui lui demande, par son intermédiaire, de l’épouser. Il hésite parce qu’il est trop pauvre, elle répond que peu importe, elle lui offre beauté, fortune et vertu. Comment lui résister? Il avait alors 25 ans et Khadija, 40.
N. O. – Etonnant personnage que celui de Khadija! Cela ne correspond pas à ce qu’on connaît du statut des femmes dans l’islam.
M. Hussein. – Dans la société préislamique, certaines femmes avaient un rôle très important, elles avaient même parfois autant de pouvoir que les hommes. Ainsi, le grand-père de Muhammad, Hachem, tomba amoureux d’une très belle femme, Salma, qu’il vit sur une estrade, dans un marché, donnant des ordres, achetant et vendant avec autorité. Il la demanda en mariage, mais elle n’accepta qu’à une condition: elle aurait le droit de divorcer quand elle le voudrait. Hachem accepta. Il y eut d’autres femmes de ce genre dans la société arabe. Elles eurent un réel pouvoir, y compris pour décider elles-mêmes de leur mariage, qu’elles pouvaient assortir de certaines conditions, et d’autres restaient soumises au statut ancestral. Il ne s’agit pas là d’égalité au sens moderne et féministe du terme, évidemment, mais d’un statut particulier, sans doute plus souple qu’il ne le fut par la suite.
N. O. – Après la mort de Khadija, Muhammad se remaria plusieurs fois et peu à peu la condition des femmes changea. Pourquoi?
M. Hussein. – Parce que la société tribale des débuts se structurait, se sédentarisait et se moralisait. Les valeurs avaient profondément changé avec l’arrivée du nouveau monothéisme. A l’époque des idoles, seules comptaient les solidarités et les protections de la tribu.
(...)
.N. O. – Les femmes n’y ont apparemment rien gagné. Voilées, lapidées pour adultère, battues, excisées, mariées de force… Tout cela est-il vraiment consigné dans le Coran, comme on l’affirme souvent?
M. Hussein. – Essayons d’être précis. L’excision des filles ne figure nulle part, ni dans le Coran ni dans les hadith. C’est une très ancienne coutume liée à la culture pharaonique, qui s’est répandue en Afrique mais n’a rien à voir avec l’islam. Le mariage forcé est explicitement interdit dans le Coran et un hadith dit: «N’épouse pas une femme précédemment mariée sans son accord. N’épouse pas une vierge sans son consentement.» C’est net! Là aussi, le mariage forcé – qui se pratique encore dans certains pays, musulmans ou non – se réfère plus à la culture de l’ancienne société patriarcale qu’à une prescription de l’islam.
N. O. – Ne me dites pas que la lapidation pour adultère est une ancienne pratique! En Arabie Saoudite et au Nigeria, tout récemment, des tribunaux islamiques ont condamné des femmes à la lapidation – une mort affreuse qu’on n’ose même pas imaginer.
M. Hussein. – C’est une longue histoire. Avant l’islam, les Arabes ne pratiquaient pas la lapidation pour punir l’adultère, pour la bonne raison que l’adultère, très courant, faisait partie des mœurs du temps. Mais un jour, à Médine, des notables juifs soumirent à Muhammad le problème d’un couple juif accusé d’adultère. «Quel châtiment préconise la Bible, en ce cas?», demanda le Prophète à deux rabbins juifs. «La lapidation des deux partenaires», répondit un des rabbins. Le châtiment fut donc appliqué et un des cousins de Muhammad, Ibn Abbas, raconte avec émotion que lorsque commença le supplice l’homme recouvrit de son corps celui de sa bien-aimée avant de mourir avec elle. C’est bien après la mort du Prophète, sous le règne du deuxième calife Omar, que le problème de l’adultère et de sa punition se posa pour des musulmans. Omar ordonna la lapidation, et lorsque des compagnons du Prophète lui rappelèrent que le Coran ne mentionnait nulle part cette punition, Omar répondit qu’il se souvenait d’un verset ordonnant ce châtiment, que ce verset «avait été perdu, avec d’autres», mais qu’il fallait en tenir compte. Omar prenait là une grande responsabilité, ce qui suscita une querelle de théologiens. Certains préconisaient la flagellation. D’autres invoquaient un verset disant: «Si vos femmes commettent une infamie, appelez quatre témoins de votre choix. S’ils témoignent, enfermez les coupables dans les maisons jusqu’à ce que la mort les surprenne ou bien que Dieu leur offre une voie de salut.» D’autres affirmaient qu’un homme adultère ne peut vivre qu’avec une femme adultère – ce qui supposait tout de même qu’ils restent en vie.
N. O. – Finalement, la lapidation pour adultère figure dans le Coran ou non?
M. Hussein. – Non. La commission chargée d’établir la Vulgate coranique, vers 650, ne l’a pas retenue. La lapidation pour cause d’adultère n’a donc rien à voir avec le Coran.
N. O. – Quelle est votre interprétation des textes concernant le voile?
M. Hussein. – Nous n’avons aucune interprétation, nous citons seulement les textes, traduits aussi précisément que possible, en les situant dans leur contexte. Il y a sur ce sujet trois versets essentiels.
Le premier a été délivré à Médine. Les compagnons du Prophète, en exil, habitaient des maisons petites et souvent inconfortables. A la nuit tombée, les femmes devaient sortir pour satisfaire leurs besoins naturels et des jeunes gens en profitaient pour les harceler sans vergogne. Elles se plaignirent à Muhammad, qui reçut le verset suivant: «Dis à tes épouses, à tes filles, aux femmes des croyants de revêtir leur cape. C’est pour elles le meilleur moyen de se faire connaître et de ne pas être offensées.» Le mot arabe employé ici est julbâb, qui signifie «cape» ou «mante». Plus tard, dans un deuxième verset traitant de la chasteté (qui concerne les hommes aussi bien que les femmes), Dieu précisa: «Dis aux croyants de baisser les yeux et d’être chastes... Dis aux croyantes de ne montrer de leurs attraits que ce qui apparaît, de rabattre leur fichu sur les échancrures de leur vêtement... et de ne pas frapper le sol de leurs pieds pour laisser apparaître leurs attraits cachés.» Le mot arabe employé est khimâr, qui désigne plutôt un «fichu» – le mot «foulard» est peut-être trop «moderne» pour l’époque. L’injonction s’adressait aux femmes qui, selon les habitudes bédouines, portaient des étoffes nouées et flottantes ou aux hommes qui par les grandes chaleurs se contentaient d’un pagne sans même un sous-vêtement. Le mot hijâb, qui désigne le «voile», apparaît dans un troisième verset assez énigmatique: «Si vous demandez un objet aux épouses du Prophète, faites-le à travers un voile, ce sera plus pur pour vos cœurs comme pour le leur.» «A travers un voile» signifie-t-il qu’on doit leur parler derrière un rideau ou qu’elles doivent se couvrir elles-mêmes d’un voile? Ou encore, comme le pensent les soufis (les mystiques de l’islam), qu’il s’agit du «voile de la pudeur» qui vient du cœur et ne suppose pas une pièce d’étoffe particulière? Ce n’est pas tranché, mais le Coran n’en dit pas davantage. Bien évidemment, des interprétations très différentes de ces mêmes versets ont été produites selon les lieux, les sensibilités et les époques.
N. O. – C’est bizarre, on ne voit nulle part apparaître le mot «cheveux», qui a pris une telle importance par la suite. En Iran, laisser dépasser la moindre mèche de cheveux est puni de coups de fouet. En Algérie, les groupes salafistes ont égorgé des femmes parce qu’elles se promenaient cheveux au vent…
M. Hussein. – Effectivement, le mot «cheveux» n’est pas mentionné dans le Coran, du moins en tant qu’«attrait» à dissimuler.
N. O. – Dans quelles circonstances a été édicté ce dernier verset sur le hidjab? Le sait-on?
M. Hussein. – Il est écrit dans les chroniques qu’un jour, au cours d’un dîner, Omar dit au Prophète: «Ce n’est pas possible, nous mangeons auprès des femmes, nos mains se touchent, s’effleurent.» De là serait venue l’idée d’un voile pour les épouses du Prophète.
N. O. – Cela signifie donc qu’au temps du Prophète il n’existait pas de séparation des sexes, aujourd’hui strictement appliquée dans certains pays musulmans.
M. Hussein. – Non, les sexes n’étaient pas séparés dans la vie quotidienne. Hommes et femmes prenaient leurs repas ensemble. Muslim, une des autorités suprêmes en matière de hadith, raconte que le Prophète, invité à prendre un repas chez l’un de ses compagnons, demanda si Aïcha était aussi invitée. La réponse étant négative, il déclina par trois fois l’invitation. Et ne l’accepta que lorsque Aïcha put l’accompagner.
N. O. – Il reste que le Coran recommande au mari de battre sa femme! «Bats ta femme, si tu ne sais pas pourquoi, elle le sait», ce n’est pas un verset coranique mais un proverbe populaire que tout Arabe connaît.
M. Hussein. – Le verset exact dit ceci: «Celles dont vous craignez l’insoumission, admonestez-les, désertez leur couche, corrigez-les. Mais si elles vous écoutent, ne leur cherchez plus querelle.»
N. O. – Et rien n’est venu adoucir cette injonction brutale?
M. Hussein. – Vous soulevez ici le problème très important des versets du Coran abrogés par des révélations ultérieures. Le principe d’abrogation est établi dans le Coran. Mais un problème subsiste: comment savoir dans quel ordre ont été révélés les versets? Lorsque les exégètes tentent d’établir une compilation des textes sacrés, deux siècles après la Révélation, il n’est plus toujours possible d’établir des chronologies précises. Alors ces versets abrogés, Dieu les a-t-il effacés de la mémoire des hommes? Ou bien sont-ils toujours dans le texte coranique? II y a là matière à confusion.
N. O. – Et cela se produit-il souvent? A quel propos?
(...)
N. O. – Est-ce que cela explique le mystère qui plane sur les fameux «versets sataniques», par lesquels Muhammad aurait reconnu les trois idoles féminines du panthéon mecquois, Al-Lât, Al-Uzza et Manât? Ces versets figurent-ils ou non dans le Coran?
M. Hussein. – Non, ils ne figurent pas dans le Coran. Mais tous les grands chroniqueurs en parlent, et dans les mêmes termes. Le Prophète espérait alors un message divin lui permettant de rallier à l’islam les hommes de son peuple qui s’y refusaient. Un jour il crut entendre l’ange Gabriel lui dire que les trois idoles étaient des «guides célestes» et que «leur intercession était souhaitée». Ce qu’il répéta devant les Mecquois. Peu après Gabriel lui dit: «Qu’as-tu fait? Tu as récité des paroles qui ne sont pas celles du Tout-Puissant.» Muhammad en fut malheureux, mais Dieu lui pardonna et supprima du Coran toute mention de cet incident.
N. O. – Tous les textes d’«Al-Sîra» évoquent une continuité des trois monothéismes puisque le Coran vient confirmer et compléter la Torah et l’Evangile, textes reconnus comme ayant été révélés par Dieu. Pourtant il y eut des guerres, parfois sanglantes, avec des chrétiens et surtout des juifs.
M. Hussein. – Elles naissent du contexte historique, d’alliances trahies ou d’affrontements sanglants – en particulier avec les tribus juives de Médine. Sur le plan doctrinal, Muhammad reconnaît Jésus comme prophète mais non comme fils de Dieu. Et il reproche aux juifs de ne pas le reconnaître, lui Muhammad, comme le Prophète, le Messie annoncé dans la Bible.
N. O. – Finalement, quelle est l’idée-force que vous retiendriez de ces textes?
M. Hussein. – Pour nous, ce serait l’idée résumée dans ce hadith: «Lorsque Dieu eut achevé Sa Création, Il décréta: "Ma clémence l’emporte sur ma colère."»
(1) Nous utiliserons la forme arabe (Muhammad) employée par l’auteur plutôt que la traduction française (Mahomet).


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