Les représailles israéliennes aux tirs de roquettes palestiniens sont de plus en plus meurtrières, et les négociations de paix piétinent. Quant au peuple palestinien, il fait les frais des luttes fratricides.
En démissionnant du gouvernement de Salam Fayyad, le ministre de la Culture palestinien Ibrahim Ibrach a expliqué qu’il voulait “protester contre l’absurdité aussi bien de la résistance que des négociations”. “C’est un cri de protestation contre la situation, contre l’absurdité du raisonnement de ceux qui prêchent la résistance et contre l’absurdité de mener des négociations dans les conditions actuelles d’occupation israélienne. Dans les deux cas, c’est destructeur pour la cause nationale.” La démission d’Ibrach survient au même moment que celle du responsable de la question des prisonniers dans l’équipe de négociateurs, Qadoura Farès. Celui-ci a expliqué à Al-Hayat qu’il voulait “protester contre l’absurdité des négociations et contre l’absence de professionnalisme des négociateurs”. Et d’ajouter : “Il n’y a pas de ligne directrice pour les négociations. Israël s’en sert pour couvrir la poursuite de la judaïsation de Jérusalem et pour imposer des faits accomplis sur le terrain. La délégation palestinienne ne respecte aucun critère de professionnalisme.” Malgré l’importance du dossier dont il a la charge, il n’aurait “jamais rencontré le chef de la délégation depuis le début des négociations”.
Ces deux démissions reflètent l’insatisfaction des Palestiniens aussi bien dans la bande de Gaza qu’en Cisjordanie. A Gaza, les associations constatent des violations quotidiennes des droits de l’homme et de la liberté d’expression, avec arrestations de journalistes, fermetures d’organes de presse et saisies de journaux et de livres. Ces pratiques ont notamment été illustrées par l’interdiction du quotidien Al-Ayyam de Ramallah [Cisjordanie], qui a publié une caricature montrant une réunion organisée à Gaza entre députés du Hamas, tous affublés des mêmes traits pour symboliser l’absence de pluralisme au sein du mouvement islamiste. La réaction du Hamas a été virulente. En plus de l’interdiction du journal, les juges qu’il a nommés ont ordonné l’arrestation du dessinateur Baha Al-Boukhari et de son rédacteur en chef, Akram Haniyeh, un combattant historique qui avait été condamné à l’exil au début des années 1980 par Israël. A la suite de cette décision, des centaines d’auteurs se sont mobilisés et ont manifesté le 27 février aussi bien à Ramallah qu’à Gaza. Certains ont estimé que le Hamas paraissait plus intraitable que les Israéliens, puisque l’occupation n’avait jamais donné lieu à des emprisonnements de journalistes ou de dessinateurs. Quant au Fatah en Cisjordanie, il a lui aussi pris des mesures strictes contre le Hamas, en interdisant son journal, Falastine, et la fermeture des bureaux de sa chaîne de télévision, Al-Aqsa [d’après la mosquée du même nom à Jérusalem]. Il a également lancé de vastes arrestations de membres du Hamas, les justifiant par “la nécessité d’éviter un autre coup d’Etat du Hamas”.
Ces mesures et contre-mesures ont donné lieu à de graves abus, dont certains sans précédent, tels que la torture. Selon les associations des droits de l’homme, quatre personnes proches du Fatah ont été tuées dans les prisons du Hamas à Gaza, tandis qu’une autre, proche du Hamas, a été tuée dans une prison du Fatah en Cisjordanie.
De nombreux Palestiniens commencent à s’élever contre ces divisions, voire contre l’Intifada, responsable de cet état de déliquescence généralisée, politique, économique, sociale et morale. Les critiques visent les factions dont les actes de résistance inconsidérés provoquent des morts sans apporter de bénéfice politique. Selon des sources concordantes, on est passé de quatre morts palestiniens pour un Israélien au début de l’Intifada à quarante Palestiniens pour un Israélien aujourd’hui. Il n’en reste pas moins que la colère contre ces adeptes de la “résistance” ne se traduit pas par une hausse du soutien aux adeptes de la négociation. Car, pour les Palestiniens, ces négociations ne servent qu’à permettre à Israël de poursuivre la colonisation, surtout autour de la ville de Jérusalem.
Mohamed Younes
Al Hayat
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