mercredi 19 mars 2008

En Algérie, le harcèlement par les autorités des Eglises chrétiennes s'accentue

LE MONDE | 18.03.08



La pression contre les Eglises chrétiennes s'accentue en Algérie. Deux Eglises protestantes actives en Kabylie ont été sommées par la préfecture de Tizi-Ouzou de "cesser toute activité" jusqu'à ce qu'elles se mettent en conformité avec la loi de 2006 qui régit la pratique des cultes non musulmans, a-t-on appris, dimanche 16 mars.


La Nouvelle Ville et Tafath (Lumière), qui regrouperaient un millier de membres, n'ont pas suspendu leur activité. Le président de l'Eglise protestante, le pasteur Mustapha Krim, conteste une application rétroactive de la loi. "Notre existence remonte à dix ans et nous possédons un agrément", a-t-il indiqué. "Nous allons épuiser toutes les voies de recours, quitte à aller devant la justice pour que nous puissions pratiquer notre confession", a-t-il expliqué.

Ce nouvel épisode confirme la volonté des autorités de contrôler sévèrement les activités des églises chrétiennes. Signe de ce durcissement, l'ancien président de l'Eglise protestante d'Algérie, Hugh Johnson, avait été invité à quitter le pays, où il réside depuis quarante-cinq ans. Mesure suspendue, au grand soulagement de la communauté chrétienne, à la suite de la saisine du Conseil d'Etat.

La loi du 28 février 2006 restreint les conditions de la pratique des cultes non musulmans et prévoit des peines d'emprisonnement de deux à cinq ans et des amendes de 5 000 à 10 000 euros contre toute personne qui "incite, contraint ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion".

Les mouvements évangéliques, regroupés au sein de l'Eglise protestante, sont dans le collimateur des autorités, mais la pression s'étend à l'Eglise catholique, qui regroupe surtout des expatriés et n'est pas suspectée d'activité prosélyte. Un prêtre catholique, Pierre Wallez, a été condamné en vertu de cette loi, fin janvier, à un an de prison avec sursis pour avoir animé un culte auprès de migrants clandestins camerounais.

Le dynamisme des mouvements évangéliques qui gagnent des adeptes parmi les nationaux suscite, en revanche, depuis au moins trois ans, de vives polémiques.

Le courant évangélique est accusé de pratiques "agressives" contre l'islam. Certains journaux propagent la rumeur selon laquelle la somme de 5 000 euros serait versée à ceux qui réussissent à convertir un musulman. L'essor des évangéliques, réel mais surdimensionné par la presse, trouble les Algériens sans que cela ne donne lieu pour l'instant à des incidents.

Ce sont surtout les religieux traditionalistes qui se sont mobilisés pour demander à l'Etat de sévir contre les évangéliques suspectés de visées politiques. Le ministre des affaires religieuses, Bouabdallah Ghlamallah, n'a pas de mots assez durs pour fustiger, ces "hors-la-loi" dont le but est de constituer une "minorité pour favoriser l'ingérence étrangère dans les affaires intérieures".

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