Au cœur de la ville de Lyon, où les casses se multiplient, il y a «saturation»
Le Mas du Taureau. Un quartier tranquille et propret à l’est de Lyon à peine défiguré par un graffiti, une voiture cassée sur un parking et quelques dizaines de cadavres de bière. Peut-on croire que nous sommes bien à Vaulx-en-Velin, cité maudite après les émeutes de 1990? Elle représente pour beaucoup le terreau du grand banditisme qui explose.Les bulldozers, pour accélérer sa réhabilitation, doivent freiner cette dérive criminelle, au même titre que la répression policière et les sanctions judiciaires. Mais la nouvelle génération de braqueurs, «enfants perdus» des banlieues, ne va pas s’arrêter de sitôt. Dans leur monde, les frontières de la Suisse sont elles aussi virtuelles. A Vaulx-en-Velin, on reconstruit des locatifs à dimension humaine à la place des sordides barres HLM rasées à l’explosif. On plante des arbres et crée des pistes cyclables. Les enfants de cette banlieue grandiront dans un paysage urbain moins hostile.
En attendant, ce sont les plus âgés – de 16 à 26 ans – qui font la misère des parents et la peur des bijoutiers. «Lyon est devenue la capitale du braquage, n’hésite pas à dire David Metaxas, vedette du Barreau qui défend ce type de malfrats. L’explosion a commencé en septembre 2009: il y a eu quelque 30 vols à main armée. On a atteint le sommet avec le casse de Global Cash, le 24 septembre dernier (ndlr: assaut spectaculaire d’un bureau de change).»
Armés de fusils d’assaut, quatre hommes encagoulés ont opéré devant des centaines de badauds. «On qualifie à tort ces garçons de professionnels. Pour moi, ce sont des gosses, remarque le défenseur de l’un des braqueurs interpellés, qui souligne les similitudes dans les dossiers. Ils montent des braquages dans des équipes à tiroirs, ce sont des garçons pas chevronnés qui se réunissent au coup par coup.»
Au Parquet de Lyon, la vice-procureur de la République, qui préfère rester anonyme par sécurité, partage l’avis que les «truands ne montent plus un braquage, ils vont à la guerre», comme le dit Jérôme Pierrat, spécialiste de ce milieu (lire ci-dessous). Elle monte même de quelques degrés dans la qualification de leurs crimes: «Ces individus recherchent l’efficacité. Ils n’ont peur de rien, certainement pas de la police. Leurs coups sont particulièrement bien pensés. Il n’y a pas seulement les repérages mais la recherche d’armes, le vol de grosses cylindrées… qu’on trouve dans certains pays à côté de chez nous!» Au Tribunal de grande instance, elle nous montre les dizaines de tomes accumulés pour chaque affaire, confirmant les liens existants entre les faits commis en Suisse et dans la région lyonnaise.
Derrière les différences de langages utilisées par le Ministère public et l’avocat des truands, se cachent deux logiques de répression. Celle du Parquet veut donner les moyens à la police judiciaire de mettre les malfrats hors d’état de nuire pour longtemps. Ainsi, dans l’affaire Global Cash, la police surveillait depuis des mois les agissements des truands réputés dangereux. Mais elle a été rattrapée par les événements. Car elle a préféré les interpeller pour des «charges suffisantes, non pour de simples vols de voitures». De quoi laisser éclater la polémique. Les avocats ont dénoncé une méthode risquant de faire «couler le sang».
La vice-procureur se félicite pourtant de l’efficacité des mesures prises il y a six ans pour lutter contre la criminalité organisée. La création de juridictions interrégionales spécialisées, les JIRS – couvrant un territoire étendu – a permis d’adapter les moyens pour s’attaquer au grand banditisme. La PJ peut recourir à des écoutes téléphoniques ou des infiltrations qui permettront de condamner la préparation de braquage au titre d’«association de malfaiteurs». Un vol de voiture en Suisse peut entrer dans ce champ.
(...) «On est entouré de banlieues tristes, pauvres socialement, dangereuses, de marmites prêtes à exploser. C’est un constat que d’affirmer que les truands viennent de là et sont d’origine maghrébine. Mais qu’arrive-t-il si on dit à un jeune qu’il va gagner 1000 à 1500 euros par mois en travaillant alors qu’avec un braquage il croit pouvoir se faire 100 000 ou 200 000 euros? C’est sûr que dans ses fantasmes, la Suisse, ses bijouteries, ses banques, c’est l’Eldorado.»
http://www.tdg.ch/actu/suisse/grand-banditisme-banlieues-menace-suisse-2010-12-28
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