"L'imam qui dérange". La formule le fait sourire. Hassen Chalghoumi, prêcheur de la mosquée de Drancy (Seine-Saint-Denis), suscite la polémique au sein de la communauté musulmane depuis qu'il est apparu sur le devant de la scène médiatique, le 25 janvier dernier. Ce jour-là, "un commando islamiste" aurait fait irruption dans sa mosquée en proférant des menaces à son égard. Depuis, l'imam, hostile à la burqa et connu pour ses liens avec la communauté juive, a été placé sous escorte policière et affirme recevoir encore des menaces. Son livre, Pour l'islam de France*, ne devrait pas apaiser les esprits. "L'imam républicain", comme il aime à se présenter, y appelle les fidèles à cultiver leur foi musulmane dans le respect des valeurs républicaines. Car, selon lui, il y a urgence.
"Il y a une radicalisation d'une partie des musulmans dans notre pays, doublée d'une recrudescence de ce que j'appelle l'islam des tendances soumis à l'ingérence de pays étrangers. Pour eux, l'Occident est un ennemi ", écrit le muezzin. Il égratigne au passage les partisans du voile intégral ("pour plusieurs extrémistes islamistes, le foulard est devenu un étendard pour le prosélytisme politique") et a la dent dure contre certaines organisations musulmanes, comme l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), les Frères musulmans ou le Conseil français du culte musulman (CFCM). Extraits : "Le CFCM est la preuve acide que la République n'a pas le droit de remplir le vide avec un organe schizophrène, infantile ou liberticide. (...) L'UOIF considère l'Europe comme une terre de mission et la France comme une base arrière, comme c'était le cas de l'ayatollah Khomeiny (guide spirituel de la révolution islamique, NDLR) que l'UOIF admire."
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Dans son livre, l'imam tente de répondre à ses détracteurs en revenant longuement sur son parcours, et notamment sur "un voyage" qu'il s'est imposé au début des années 1990 pour se "plonger dans les sources lointaines de l'islam". Parti de Tunisie, son pays de naissance, "ce dur périple" le conduit en Syrie, en Turquie au Pakistan et enfin en Inde, avec un crochet par l'Iran. Des destinations qui lui valent d'être répertorié par les services de renseignement en tant que fondamentaliste ayant appartenu jusqu'en 2005 au mouvement radical du Tabligh. Le mouvement est suspecté de fomenter, en secret, "l'islam des caves".
"J'ai fait ma formation théologique au Pakistan, et le Pakistan de cette période n'est pas le même que celui d'aujourd'hui. Je n'ai d'ailleurs pas étudié à Karachi, mais à Lahore, la ville la plus ouverte du Pakistan", se défend l'imam, pour qui "le Tabligh est une organisation pacifiste fondamentaliste mais pas radicale qui existe dans le monde entier, même en Israël". Aujourd'hui, il affirme être "loin de tout cela" pour se consacrer à un seul projet : la formation des imams. Le tendon d'Achille de l'islam de France. À ce jour, seule la Grande Mosquée, en lien avec l'Institut catholique de Paris, propose une formation pour les imams. C'est ainsi qu'Hassen Chalghoumi crée la Conférence des imams de France pour mettre en avant "le dialogue interreligieux, la promotion d'un islam ouvert et le suivi des imams". Depuis son inauguration, le 10 juin 2009, l'organisation revendique une soixantaine d'imams de la région parisienne. Un chiffre contesté par le CFCM pour qui l'organisation n'est pas représentative. Qu'importe. Hassen Chalghoumi a su se frayer un chemin dans un espace médiatique déserté par les organisations officielles musulmanes sclérosées par des conflits internes.
*"Pour l'islam de France" d'Hassen Chalghoumi avec la collaboration de Farid Hannache, éd. du Cherche-Midi, 432 pages, 18 euros.
http://www.lepoint.fr/societe/hassen-chalghoumi-l-imam-qui-derange-preche-un-islam-de-france-14-09-2010-1236271_23.php
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