Ils sont 200 000 dans la capitale et quelque 2,5 millions à vivre en Allemagne. Les diplômés sont de plus en plus tentés de retourner dans leur pays où les perspectives d'emploi sont meilleures.
Les marchands de kebabs ont remplacé les stands à saucisses et à bretzels. Tous les commerces portent des inscriptions bilingues, en allemand et en turc. Les chaînes de supermarchés allemandes Lidl et Aldi vendent des produits importés de Turquie. Les femmes voilées n'attirent plus les regards curieux. Sur un plan, ce microquartier de Kreuzberg situé à Berlin-Ouest, à quelques pas de l'ancien mur, s'appelle «Kottbusser Tor». Mais pour les Berlinois c'est «Little Istanbul». Ses habitants peuvent y mener une vie parallèle, sans parler un mot d'allemand.
Au-delà de ses attraits folkloriques et de sa légendaire tolérance «multiculturelle», «Little Istanbul» est aussi l'un des symboles des ratés de l'intégration des immigrés turcs en Allemagne. La chancelière allemande et Nicolas Sarkozy, qui se sont tous deux prononcés contre l'adhésion de la Turquie à l'UE, y atteignent des sommets d'impopularité. Angela Merkel a réitéré sa proposition d'un partenariat privilégié avec la Turquie, sans que ce pays devienne membre à part entière de l'Union. Une telle position accentue le malentendu avec les immigrés d'origine turque, qui la considèrent comme une marque de mépris et le signe que l'Allemagne ne souhaite pas vraiment les intégrer.
«Travailleur invité d'Anatolie»
Attablés dans un café turc, deux retraités sirotent un thé noir en jouant aux cartes. Ils n'iront pas voter le 7 juin. «L'intégration, ça fait des années qu'on nous bassine avec ça. Si ça n'a jamais marché, c'est de la faute des politiques», s'emporte Hüseyin Cakmak. Il a 63 ans et fait partie de la première vague de Gastarbeiter, les «travailleurs invités» turcs, conviés dès la fin des années 1950 à contribuer au miracle économique allemand. Pourtant, il ne parle toujours pas un mot d'allemand : «Je n'ai jamais essayé d'apprendre, pas le temps, trop de travail… Et puis, je n'avais aucun contact avec les Allemands. Ils me considéraient comme un travailleur invité d'Anatolie et gardaient leurs distances.»
Pendant trente ans, l'Allemagne a vécu dans l'illusion que ces «invités» repartiraient un jour. Ainsi, les gouvernements successifs n'ont pas déployé d'efforts pour intégrer ces immigrés qui sont aujourd'hui environ 2,5 millions dont 200 000 à Berlin. «Il y a quinze ans, l'Allemagne a réalisé qu'elle était allée chercher des travailleurs, mais qu'elle s'était retrouvée avec des êtres humains et leurs familles», résume Ediz Bökli un chasseur de têtes d'origine turque. Peu à peu, les cours de langue facultatifs ont été remplacés par un examen d'allemand obligatoire, conditionnant l'entrée dans le pays et l'accès à la nationalité. Depuis quelques années, les enfants d'ascendance turque nés en Allemagne ont automatiquement la citoyenneté allemande, tout en conservant leur passeport turc. Mais à l'âge de 18 ans, ils doivent choisir et, pour conserver leur passeport allemand, renoncer à la nationalité turque, ce qu'ils considèrent comme un déracinement.
Une fuite «inquiétante»
Seuls 35 % de Turcs s'estiment intégrés, alors que 13 % des Allemands jugent qu'ils le sont vraiment. Ils luttent pour sauvegarder leurs mœurs et leur identité. Ils se battent contre l'échec scolaire, contre les préjugés aussi lorsqu'ils cherchent un emploi. Les choses sont en train de changer avec la troisième génération de Turcs, bilingue qui dit se sentir allemande. Pourtant, selon une étude récente, un tiers des diplômés d'origine turque seraient prêts à émigrer en Turquie. En raison de la difficulté à trouver un travail adapté à leurs compétences en Allemagne et de meilleures perspectives d'emplois en Turquie.(PLEASE GO!)
Spécialisé dans le débauchage des diplômés d'origine turque pour des entreprises allemandes implantées en Turquie, Ediz Bökli estime à 3 000 le nombre de diplômés allemands d'origine turque qui ont émigré de l'autre côté du Bosphore depuis trois ans. «Ce n'est que le début, explique-t-il. Daimler, Lufthansa… 3 000 entreprises allemandes, au total, ont ouvert des antennes en Turquie depuis trois ans. Elles recherchent toutes du personnel diplômé, bilingue, ayant une double culture. Nos candidats rêvent d'Istanbul, Izmir, ou Ankara. Là-bas, on leur offre de très bons salaires, la qualité de vie, le beau temps.»
Pour l'Allemagne, qui souffre d'une natalité négative et qui aura besoin de recourir de plus en plus à l'immigration, cette fuite prend des proportions inquiétantes. «Si ceux qui réussissent partent, il va manquer un exemple à l'avenir», pour les enfants d'immigrés, avertit Armin Laschet, ministre de la Famille et de l'Intégration de l'État régional de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, aux racines turques. Selon lui, l'Allemagne doit intervenir au plus vite avant de voir fuir tous ces diplômés.
Le Figaro
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Les diplomes partent et la bêtise avec...
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