Pays-Bas. Le populiste néerlandais est le favori pour les élections européennes du 7 juin.
Si des élections avaient lieu aujourd’hui et non en mai 2011, le populiste de droite Geert Wilders, 45 ans, leader du Parti de la liberté (PVV), aurait de sérieuses chances d’occuper le poste de premier ministre des Pays-Bas. Depuis le début de l’année, son parti occupe la première place dans les études d’opinion. Un sondage publié le 31 mars lui accorde 32 députés sur les 150 que compte la Tweede Kamer, la chambre basse du Parlement.
Le PVV devancerait les deux grands partis traditionnels, l’Appel chrétien-démocrate (CDA) du premier ministre Jan Peter Balkenende et le parti travailliste (PvdA) du ministre des Finances Wouter Bos, réunis dans une coalition droite-gauche depuis les législatives du 22 novembre 2006.
Créé il y a trois ans à peine par le député Geert Wilders, le Parti de la liberté compte déjà neuf députés. En 2006, il avait obtenu les suffrages de 600 000 électeurs (6 % des voix). Aujourd’hui, il est crédité de 18 % des suffrages, ce qui en fait le favori des élections européennes du 7 juin. La perspective d’une percée fulgurante du PVV s’annonce comme un séisme politique. À l’image des cheveux blonds platine de son leader, le programme de cette formation populiste décoiffe. Le PVV est résolument hostile à l’Union européenne et aux immigrés musulmans, ses deux chevaux de bataille.
« L’Europe ne devrait pas devenir un super-État, mais se limiter à la coopération économique. Le non au référendum de 2005 sur la Constitution européenne a prouvé que c’est ce que les gens veulent », a expliqué au quotidien de Volkskrant Barry Madlener, tête de liste du PVV aux européennes. Concrètement, le Parti de la liberté souhaite la suppression du Parlement européen et l’exclusion de la Bulgarie et de la Roumanie, des « pays corrompus ». Il rejette la candidature de la Turquie et se dit favorable à un référendum sur le rattachement de la Flandre belge aux Pays-Bas.
Le PVV dénonce « l’islamisation des sociétés occidentales ». Wilders assimile l’islam au fascisme et le Coran au Mein Kampf d’Adolf Hitler. Dans un entretien accordé au Figaro l’année dernière, il avait révélé le fond de sa pensée : «Un million de musulmans pour seize millions de Néerlandais, c’est trop. […] Ma culture est meilleure que la culture islamique. » Il se voit en croisé qui sauvera son pays d’un « tsunami islamique ».
Malgré ses déclarations à l’emporte-pièce, Geert Wilders séduit de plus en plus. Selon une étude publiée dans le magazine Vrij Nederland, 35% des personnes interrogées estiment qu’il ne va pas trop loin dans ses commentaires sur l’islam. Plus de 60% sont d’accord avec sa proposition consistant à retirer aux délinquants d’origine étrangère la nationalité néerlandaise. Après avoir attiré un électorat populaire et peu instruit, il semble gagner du crédit auprès d’une certaine classe moyenne, comme les petits patrons, déçue par les grands partis, notamment les formations de droite.
Geert Wilders a commencé sa carrière politique en 1990 en devenant l’assistant parlementaire du libéral Frits Bolkestein. Élu municipal de la ville d’Utrecht en 1997, député du parti libéral (VVD) en 1998, il en claque la porte en 2004 à cause de divergences sur la Turquie et l’immigration. Il crée son parti, le Groupe Geert Wilders, transformé en Parti de la liberté. « Le PVV n’est pas un parti politique comme les autres, car on ne peut pas en devenir membre sans l’accord de Geert Wilders, qui ne supporte pas la contradiction. Les députés du PVV, que certains qualifient de secte, sont tous ses fidèles vassaux », indique Noël Blandin, auteur d’une note fouillée sur le site de La République des lettres.
Geert Wilders marche sur les traces de Pim Fortuyn, ce leader d’extrême droite hostile aux immigrés (qui a déclaré : « Les Pays-Bas sont pleins »), assassiné juste avant les législatives de 2002, scrutin qui consacra sa Liste Pim Fortuyn à la place de deuxième force politique du pays. Après le meurtre, en novembre 2004, du cinéaste Theo Van Gogh par un fondamentaliste musulman, Geert Wilders commença lui aussi à s’en prendre violemment à l’islam.
Sa haine du Coran a atteint des sommets en mars 2008, lors de la mise en ligne de son documentaire Fitna, violente diatribe de dix-sept minutes contre l’islam qui suscita plus d’indifférence que de colère dans le monde musulman. À cause de ce film, dont une suite serait en préparation, Geert Wilders est poursuivi dans son pays pour incitation à la haine et à la discrimination. Il est interdit de séjour en Grande- Bretagne. En France, l’Association de défense des droits de l’homme a porté plainte contre lui parce qu’il a déclaré que « Paris est maintenant encerclé par les musulmans ».
Le phénomène Wilders révèle le malaise d’une société, réputée pourtant pour sa tolérance face à l’immigration. Ceux que les Néerlandais appellent les allochtones représentent 10 % de la population. Les Turcs, les Surinamiens et les Marocains sont les plus nombreux. Le pays compte 850 000 musulmans (5 % de la population), dont 20 000 à 30 000 radicaux, 500 mosquées et une quarantaine d’écoles coraniques. Entre 1995 et 2001, pas moins de 250 000 demandeurs d’asile ont trouvé refuge aux Pays-Bas. « C’était trop pour que notre société puisse s’en accommoder », expliquait il y a quelques années Paul Schnabel, le directeur de l’Office de planification sociale et culturelle, un organisme gouvernemental.
Les déchirements de la gauche néerlandaise sur le thème de l’immigration illustrent bien la crise identitaire que traverse le pays. En novembre dernier, la ministre travailliste de l’Intégration, Ella Vogelaar, a dû démissionner sous la pression de son parti pour avoir estimé, entre autres, que le port du voile intégral était « concevable ».Un mois plus tard, les travaillistes durcissaient leur discours.«La tolérance n’a pas fait de bien à l’intégration des immigrés, pour devenir néerlandais, il faut renoncer à sa nationalité d’origine », affirme désormais la gauche néerlandaise.
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