mardi 25 août 2009

Abdelwahab Meddeb

«Le jeûne est devenu un phénomène social, plus qu’un exercice spirituel»

Abdelwahab Meddeb, spécialiste de l’islam, dénonce la pression communautaire pesant sur le ramadan :


Abdelwahab Meddeb enseigne la littérature comparée à l’université Paris-X-Nanterre. Il anime l’émission Cultures d’islam sur France Culture et a publié plusieurs ouvrages sur l’islam. Le dernier s’intitule Pari de civilisation (Seuil, août 2009), dans lequel il propose une relecture moins littérale du Coran. Entretien en ce début de ramadan.

N’êtes-vous pas un peu sévère quand vous dites que le jeûne du ramadan est devenu un phénomène purement social ?

Dans un pays comme le Maroc, que je connais bien et qui était jusqu’alors très libéral, on vous emmène en prison si vous «dé-jeunez». Le jeûne n’appartient plus à l’exercice spirituel, à la discipline au sens fort du terme, ce qui mérite le respect.(...)

Mais aujourd’hui, le jeûne est essentiellement un phénomène social. Que les gens jeûnent ou pas ne regarde qu’eux. Mais si c’est un jeûne coercitif, violent, et que celui qui jeûne méprise celui qui dé-jeune, voire exerce sur lui une forme de police des mœurs, il faut dire stop. (...)

Pour vous, il est difficile pour un musulman aujourd’hui de ne pas jeûner ?

Dans l’islam, il y a un dit du prophète selon lequel si vous ne respectez pas la pratique, faites-le en secret. Cet aspect de la tradition est un peu hypocrite, c’est l’esprit Tartuffe. Or, la modernité, c’est de pouvoir dire «non». Il faut que les gens puissent dire : «C’est ma conviction et je la montre par un acte, celui de jeûner ou non». La liberté de l’individu est le préalable à la liberté politique.

Est-ce que ce recours au jeûne peut être une étape transitoire dans un processus d’intégration ?

Ce retour vers la pratique religieuse est le reflet d’une panique sur la question de l’identité, de l’origine. On retrouve le même phénomène chez les juifs. Chez les Français d’origine catholique, cela peut prendre la forme d’un intégrisme laïciste.

Selon un sondage Ifop paru jeudi, 70 % des musulmans de France affirment observer le jeûne du ramadan contre 60 % en 1989, qu’est-ce que ce chiffre vous inspire ?

(...)

Jadis, l’instituteur, le maître, le professeur étaient profondément respectés, maintenant, ce sont de minables petits bonshommes qui gagnent des sommes sans le moindre rapport avec le plus petit trader. Restaurer l’autorité de l’école me paraît une tâche énorme.

Y a-t-il un lien à faire entre la pratique du ramadan et le port du voile islamique ?

C’est exactement pareil. J’ai une position très ferme sur le voile, je ne le supporte pas, mais j’essaie de comprendre. Quand on me dit que le voile est parfois un choix, je dis «certes», mais je continue de me méfier car ce que l’on croit être un choix peut être en réalité une servitude inconsciente.

Quand je discute avec certaines filles voilées, je découvre parfois qu’il y a derrière une pression tue, cachée, et c’est cette pression-là qu’il ne faut pas accepter. Si nous acceptons la liberté de se voiler, il faut en même temps respecter la liberté du dévoilement.

Et la burqa ?

Je trouve absolument inacceptable sa présence en France. La burqa, c’est la disparition de l’identité. Par où la reconnaissance de l’autre se réalise-t-elle sinon par le face-à-face ? Par les traits physiques.

La burqa n’a rien à voir avec le texte de l’islam, c’est une pratique wahhabite. Et puisqu’il s’agit de coutume et pas de loi religieuse, cela nous permet d’agir contre cette pratique sans nous faire accuser de toucher à la foi de quiconque. C’est une nécessité démocratique et républicaine.

http://www.liberation.fr/societe/0101586674-le-jeune-est-devenu-un-phenomene-social-plus-qu-un-exercice-spirituel

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(...)

L'irruption dans la sphère du Politique d’une croyance religieuse se définissant comme l’Ultime Révélation, l'affirmation de sa supériorité définitive sur toutes les autres croyances et/ou philosophies mettent gravement en péril notre société démocratique.

Quelques voix, trop rares, attachées à la laïcité constituent un sérieux espoir de voir enfin s’inverser ce processus communautariste que certains nient et que d’autres prétendent irréversible.

Des voix parmi lesquelles :

Sihem Habchi, d'origine musulmane et laïque convaincue, intransigeante présidente de "Ni Putes ni soumises"

Mohamed Sifaoui, courageux journaliste algérien, qui met en jeu sa propre sécurité ainsi que celle de sa famille pour faire front aux islamistes.

Soheib Ben Cheikh, ancien mufti de Marseille, qui combat avec acharnement les anachronismes de sa religion.

Abdelwahab Meddeb, écrivain tunisien, professeur de littérature comparée à Paris X, qui lutte pour l’avancée de l’islam vers la modernité.

Abdennour Bidar, philosophe français, qui affirme haut et fort que l’islam doit respecter l’individu dans ses choix et qui loue le cadre laïc européen propice à l’épanouissement de chacun.

Hassen Chalghoumi, courageux imam de Drancy, qui n’hésite pas à affronter la frange extrémiste de ses coreligionnaires, dans les débats sur le voile intégral et les rapports entre musulmans et juifs.

Si le jaillissement de tous les intégrismes ensevelissait à tout jamais le pays des Droits de l’Homme et des Lumières, ce serait une catastrophe de l’Histoire et un recul de l’humanité vers des ténèbres douloureuses.

Mais ce n’est pas une fatalité.

Ces personnalités ont un rôle important à jouer pour l’éviter. Elles sont la preuve qu’une autre voie, une autre posture, s’offrent à nos concitoyens musulmans.

Primo

Malheureusement, z'ont pas l'air bien nombreux...

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