mercredi 27 octobre 2010

"je mets au défi les musulmans de produire un texte religieux imposant le voile."

Le Point.fr

Lubna, condamnée pour "port du pantalon" et ambassadrice de la laïcité française


Elle porte une veste sombre sur un pantalon noir. Cela n'a rien d'anodin, pour Lubna Ahmad al-Hussein, le pantalon est devenu une carte de visite. Arrêtée à Khartoum en juillet 2009, cette journaliste soudanaise a été condamnée à 40 coups de fouet pour "atteinte à l'ordre public et à la moralité"... parce qu'elle portait un pantalon. Devant le tollé suscité par l'affaire, la peine s'est finalement muée en amende dont elle s'est acquittée. Avant de quitter son pays. Depuis, elle s'est installée en France et poursuit son combat pour les femmes et contre l'extrémisme.

C'est ainsi qu'elle a été choisie comme ambassadrice de la laïcité par l'association "Ni putes ni soumises" dans le cadre du plan d'information et d'accompagnement à la loi interdisant le port du voile intégral dans l'espace public. Initié par le ministère de l'Immigration, il prévoit que quinze femmes sillonnent la France pendant six mois pour expliquer le principe de la laïcité.

"Lubna représente la culture islamique. Lorsqu'elle s'adresse, en arabe, à des jeunes femmes, son message est entendu", s'enthousiasme la présidente de Ni putes ni soumises, Sihem Habchi. "C'est un symbole fort", ajoute le ministre de l'Immigration Éric Besson. Il faut avouer que Lubna a un caractère bien trempé, n'a pas peur de monter au front. "Peur de qui ou de quoi ?" nous rétorque-t-elle d'une voix grave. Elle en a vu d'autres.

"Depuis mon arrivée en France, j'ai déjà participé à des débats avec des femmes entièrement voilées. Ça s'est terminé par des insultes", avoue cette intellectuelle née dans une famille de commerçants et d'entrepreneurs. "Mon discours dérange les intégristes, mais je mets au défi les musulmans de produire un texte religieux imposant le voile." Sa religion, Loubna s'en fait une autre idée, plus intime. "C'est une relation personnelle entre l'individu et Dieu, débarrassée de toute contrainte matérielle." Le voile, elle ne l'a jamais porté. Dans son pays natal, elle jetait de temps à autre un foulard sur sa chevelure de jais, "mais cela n'avait rien à voir avec la religion".

Pour elle, le débat passionné qui a agité la France sur cette question était nécessaire. "C'est en cela que l'on voit que la France est une grande démocratie", analyse l'ex-journaliste politique. "Personne ne doit pouvoir cacher son visage en public, ne serait-ce que pour des questions de sécurité. Au Soudan, des hommes qui portaient le niqab se sont introduits dans un campus universitaire pour violer des jeunes femmes. C'est inconcevable."

Si la France est devenue son point d'ancrage, elle continue à parcourir le monde pour défendre la cause des femmes. En un an, elle a raconté son histoire en Jordanie, en Suède, en Algérie ou encore au Yémen. Elle a décelé, au cours de ses voyages, un début de prise de conscience des femmes sur leur condition et leur émancipation. "Mais il reste beaucoup à faire, notamment contre la prostitution, le viol et l'excision", affirme la jeune femme, victime à l'âge de 7 ans de cette pratique encore courante. "Je ne lâcherai rien", lance celle qui dit ne pas être intéressée par la politique. Surtout ne pas être récupérée : "Je suis une femme libre qui entend le rester."

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