"Invraisemblances", "erreurs", "anachronismes"... Le service historique du secrétariat d'État à la Défense qui a analysé le scénario du film Hors la loi de Rachid Bouchareb n'est pas tendre avec l'auteur-réalisateur et son coauteur, Olivier Lorelle. Le sujet du film - les massacres de Sétif du 8 mai 1945 en Algérie, déclencheurs de l'insurrection indépendantiste - est d'autant plus sensible que Rachid Bouchareb a déclaré vouloir "rétablir la vérité historique". Or, l'armée française ne sort pas grandie du film qui provoque, avant même sa présentation à Cannes, une vive controverse .
Le point.fr a pu se procurer le rapport du général de division Gilles Robert, chef du service historique de la Défense, en date du 9 septembre. Selon ce texte, le film comporterait des "erreurs" et des anachronismes" (...) si nombreux et si grossiers qu'ils peuvent être relevés par tout historien, ayant un tant soit peu étudié la guerre d'Algérie". Le général note encore que "les nombreuses invraisemblances présentes dans le scénario montrent que la rédaction de ce dernier n'a pas été précédée par une étude historique sérieuse. Cette approximation historique rend ce film de fiction peu crédible."
En annexe, le service historique de la Défense liste les erreurs dans le détail. Dans un premier point, il note que "le réalisateur veut faire croire au spectateur que le 8 mai 1945 à Sétif, des musulmans ont été massacrés aveuglément par des Européens ; or, ce jour-là, c'est le contraire qui s'est produit.(...) Si l'auteur souhaite évoquer le massacre de musulmans par des Européens à Sétif, il devrait situer sa scène au minimum le 9 mai, car c'est en réaction au massacre d'Européens du 8, que les Européens ont agi contre des musulmans". C'est bien entendu l'essentiel de la controverse.
Parmi les anachronismes, les historiens militaires relèvent qu'à la page 10 du scénario, Rachid Bouchareb fait crier à des musulmans, au lendemain des massacres de Sétif : "Vive le FLN !" Le hic : le FLN n'est créé qu'en 1954. En 1945, c'est le Parti du peuple algérien (PPA) de Messali Hadj qui soutient la contestation face au pouvoir colonial... Page 20, autre erreur selon l'armée : Rachid Bouchareb confond deux partis, le MNA et l'UDMA, le premier prônant la lutte armée et non l'accès au pouvoir par les votes. De même que de Gaulle apparaît dans une scène située en 1954 alors qu'il ne revient au pouvoir qu'en 1958... Par ailleurs, la guerre d'Indochine est qualifiée improprement de "Vietnam".
Les historiens concluent au caractère "irréaliste" des personnages
En fait, le film se déroule essentiellement en France et met en scène la confrontation entre un indépendantiste algérien et un colonel du SDECE (contre-espionnage). Sauf que le SDECE est uniquement compétent hors de la France. Dans l'Hexagone, c'est la DST qui est seule habilitée à mener des opérations, relève l'armée. Les quelques écarts à cette règle ont consisté à "éliminer une personne", admet l'armée mais "jamais un porteur de valise". De même que la seule action qu'ait menée le SDECE sur le territoire national concerne la mise en place d'une troisième force (le front algérien d'action démocratique) de juillet à octobre 1960.
Les historiens militaires prennent enfin un soin infini à décortiquer les costumes des soldats français et concluent au caractère "irréaliste" des personnages. De même qu'une scène de parachutisme dans laquelle un personnage nord-africain apparaît n'a pas pu exister. Les unités parachutistes n'étaient pas ouverte aux soldats issus des colonies. Enfin, l'armement des gendarmes est également contesté.
Autant d'éléments sur lesquels s'appuie le député UMP des Alpes-Maritimes Lionnel Lucas pour dénoncer une "vision hémiplégique" de l'histoire et regretter le soutien financier du film par le Centre national de la cinématographie.
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