Par Ivan Rioufol
Une constatation: Barack H. Obama, qui est prêt à laisser tomber l'autocrate égyptien Hosni Moubarak, légitimement rejeté par son peuple, n'a pas fait preuve de tant de témérité devant le tyran Mahmoud Ahmadinejad, lorsque la rue iranienne réclamait elle aussi, au printemps 2009, la démocratie et la liberté. Le long silence du président américain face à la dictature contestée des mollahs a même été désespérant pour les opposants au régime théocratique et totalitaire, si peu soutenus par l'Occident et désormais réduits au silence après une répression implacable. C'est pourquoi le souvenir de cet épisode peu glorieux me fait douter de la sincérité et du courage d'Obama, qui a réclamé hier soir des changements "maintenant" pour l'Egypte. Est-ce vraiment la démocratie qu'il est enfin prêt à soutenir là-bas, ou est-ce plutôt l'apaisement avec l'islamisme et ses conceptions très particulières des droits de l'homme? J'espère me tromper, mais son attitude me fait penser à celle de Jimmy Carter qui, en 1979, allait lâcher son allié le Chah d'Iran avec les conséquences que l'on sait pour le peuple.
La possible récupération par l'islamisme de l'exemplaire insoumission d'une partie du monde arabo-musulman est un risque qui va demeurer dans un avenir immédiat. Aussi cette perspective n'a-t-elle pas besoin d'obtenir, en plus, la caution flatteuse du président des Etats-Unis, qui rappelle volontiers que son deuxième prénom, Hussein, le porte à comprendre et admettre les revendications identitaires de l'Islam. Le rôle des démocrates est de soutenir sans ambiguïté les Tunisiens et les Egyptiens quand ils exigent la liberté et la démocratie. Il est aussi de mettre en garde contre l'hypothèse d'une régression théocratique qui profiterait des inévitables dissensions locales, voire d'une bienveillance américaine pour un "islamisme modéré" dont des "experts" nous disent déjà que la Turquie en serait le modèle. Tant mieux si l'Islam parvient à se moderniser. Cependant, il me semble que l'Occident devrait, par une élémentaire réserve, se tenir à l'écart de ce processus qui reste à conduire. Il relève du seul monde musulman.
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