jeudi 3 février 2011

Les coptes s'inquiètent de la place des manifestants islamistes

LE FIGARO

La mort dans l'âme, Ibrahim Faouzi a finalement décidé mardi de ne pas prendre part à la manifestation d'Alexandrie. En fin de semaine dernière, déjà, ce jeune copte employé dans l'immobilier s'était senti un peu isolé au milieu des cortèges composés en grande majorité de compatriotes musulmans. «J'ai parfois eu l'impression qu'on me regardait d'un drôle d'air», dit-il en dévoilant la croix tatouée sur son poignet. Alors mardi matin, quand un groupe de jeunes gens excités l'a soudain pris à partie à deux pas de la mosquée al-Kaed Ibrahim, l'homme est rentré chez lui sans demander son reste. « J'ai choisi de manifester pour défendre mon pays, pas pour qu'il tombe aux mains des Frères musulmans», grimace-t-il.

Comme Ibrahim Faouzi, de nombreux chrétiens d'Alexandrie semblent avoir renoncé à battre le pavé en raison de la visibilité croissante des « Frères» dans les cortèges. Absents lors des premières marches en début de semaine dernière, ceux-ci ont finalement appelé à défiler vendredi et s'impliquent désormais activement dans l'encadrement des manifestations. Mardi en fin de matinée, leurs minibus déversaient à jet continu des flots de manifestants venus des faubourgs tandis que leurs militants contrôlaient les identités à l'entrée du cortège. « Aux côtés des autres partis d'opposition, nous jouons effectivement un rôle important dans le mouvement qui se déroule aujourd'hui», admet Sobhi Saleh, ancien député et responsable du bureau politique des Frères musulmans à Alexandrie, qui précise : «Nous menons ce combat sans mettre en avant notre couleur politique, avec l'unique objectif de faire tomber le dictateur. »

Face à l'irruption du mouvement islamiste au cœur de la révolte égyptienne, les chrétiens d'Alexandrie, orthodoxes comme catholiques, réagissent pour l'heure en ordre dispersé. Éprouvés par les tensions récurrentes entre communautés religieuses et traumatisés par l'attentat qui a fait 21 morts devant une église copte de la ville durant la nuit de la Saint-Sylvestre, certains choisissent de raser les murs, évitent les attroupements et hésitent à prendre la parole en public. «Si Moubarak tombe, les islamistes finiront fatalement par arriver au pouvoir et par imposer la loi islamique, croit ainsi savoir Ibrahim Faouzi. Or, ce jour-là, nous n'aurons plus le droit de porter notre croix en public.»

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