mardi 29 juillet 2008

TURQUIE • L’islamisation rampante de la vie quotidienne


De nombreux indices – le style de vie, la façon de parler, de se saluer – montrent que la société turque, naguère laïque, change, explique le célèbre éditorialiste Mehmet Ali Birand.

Chaque société est influencée par le mode de vie et le comportement de ceux qui occupent le pouvoir. Chez nous, cela va plus loin. En effet, une partie de la société turque, juste pour plaire à ceux qui sont au pouvoir, a décidé de se mettre à leur ressembler. A la suite des élections législatives du 22 juillet 2007, c’est-à-dire lorsque l’AKP [parti islamique au pouvoir] est devenu encore un peu plus un parti de gouvernement, son influence a commencé à se faire sentir nettement sur la société. On constate ainsi l’apparition d’un style nouveau, qui se manifeste tant à la tête du gouvernement que dans l’attitude des ministres et des fonctionnaires, sans oublier les maires AKP et tous ceux qui, de manière générale, gravitent autour de ce parti et profitent des avantages que celui-ci peut leur procurer.
Ce style différent tend en outre à s’étendre à d’autres composantes de la société. Un style de vie qui existait déjà auparavant apparaît donc de façon plus visible en Turquie. Cette évolution n’est pas le fruit des directives venues d’en haut : il s’agit simplement des conséquences sur la société de la manière d’être des membres de l’AKP, depuis le Premier ministre Erdogan jusqu’au simple maire de bourgade AKP.
Même la façon de parler le turc a changé. On constate aujourd’hui une tendance à utiliser davantage de termes arabes repris du Coran dans la conversation. Lorsqu’on écoute parler le Premier ministre, on entend tout de suite chez lui le ton particulier de ceux qui sont passés par les cours de lecture coranique des lycées confessionnels Imam-Hatip [initialement créés pour former des imams et fréquentés surtout par les franges traditionalistes de la société turque].
Le langage du corps n’échappe pas non plus à cette évolution. Ainsi, si par le passé on se serrait la main, ces dernières années la mode était plutôt passée à l’embrassade. Aujourd’hui, en revanche, on marque davantage la ­distance. Le chic, c’est de saluer la main sur le cœur. Quant aux femmes, on préfère désormais les saluer en inclinant légèrement la tête.
L’alcool, qui disparaît peu à peu, est parfois présent sur un coin de table, histoire d’afficher une certaine tolérance. Si quelqu’un en demande, on le sert, mais cela ne va pas plus loin. Il faut d’ailleurs du courage pour oser en réclamer. Dans ce contexte, offrir de l’ayran [yoghourt mêlé d’eau], du jus d’orange et d’autres sortes de jus de fruits a tendance à se généraliser.
Le port du voile noir, de type tchador, est plutôt en recul. Par contre, la mode du foulard islamique et de la robe longue descendant jusqu’aux talons se répand rapidement. La plupart des femmes habillées ainsi ont l’air d’être empaquetées dans des rideaux. La publicité faite pour ce type de vêtement accentue la généralisation d’un modèle unique d’habillement.
Est-ce parce que nous y prêtons plus attention aujourd’hui ou parce quele phénomène a réellement pris de l’ampleur ? En tout cas, on constate que la séparation entre hommes et femmes est de plus en plus visible. Il y a ainsi davantage de plages et de piscines réservées aux femmes, et d’hôtels où l’on ne sert pas d’alcool. La fréquentation de la prière du vendredi a littéralement explosé. Les médias qui mettent en avant les valeurs religieuses et l’islam sont en pleine expansion et s’adressent à un public de plus en plus large. Cette frange religieuse de la société turque a également commencé à produire ses propres riches. Des religieux fondent ainsi leurs entreprises. Ceux qui hier n’attiraient pas l’attention participent désormais à d’importants appels d’offres et gagnent beaucoup d’argent. Ils engagent donc un nombre croissant de salariés, qui se retrouvent, eux et leurs familles, baignés dans cette ambiance religieuse.
Cette façon d’être trouve bien entendu des défenseurs zélés, qui se comportent en missionnaires. Bien qu’ils soient minoritaires, ces partisans de l’application de la charia, très visibles ces derniers temps, contribuent à accentuer la pression sociale en importunant ceux qui boivent de ­l’alcool ou qui ne jeûnent pas pendant le ramadan. Toutefois, une partie plus importante de ceux qui contribuent à répandre ce mode de vie est constituée par des gens qui, ces dernières années, ont eu l’impression d’avoir été, en tant que pratiquants, marginalisés au nom de la laïcité de l’Etat. ­L’arrivée de l’AKP a donné du courage à cette frange de la population, dont le nombre n’a pas nécessairement augmenté mais qui ne se cache plus et pourrait même donner l’impression de vouloir prendre sa revanche sur le passé. Néanmoins, le gros des troupes de ceux qui contribuent à l’expansion de ce style nouveau est constitué par des individus que l’on pourrait qualifier d’opportunistes, parce qu’ils veulent paraître sympathiques aux yeux du pouvoir et tirer profit de leur fréquentation des cadres de l’AKP. Il s’agit principalement de fonctionnaires. Qu’il s’agisse de diplomates – qui, chez eux, boivent du raki, mais à table avec des responsables de l’AKP ne jurent que par le jus d’orange – ou de simples employés municipaux, un large pan de l’administration turque est tout doucement en train de s’intégrer à cette ambiance générale suscitée par le parti au pouvoir. Il convient également de ne pas oublier toute une catégorie de businessmen, qui vont dans le même sens dans le seul but de remporter des appels d’offres.
Il est donc indéniable que la société turque est en train de changer. Certains interprètent ce changement comme une évolution vers l’application de la charia. D’autres voient cela comme un processus de “moyen-orientalisation” du pays. Quel que soit le qualificatif employé, observons ces changements et agissons en conséquence.

Mehmet Ali Birand
Milliyet

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Sondage : le mythe du Turc européen vole en éclats. Les Turcs sont racistes, sexistes, arriérés et encoranisés.


La majorité des Turcs mettent la religion au premier plan, tolèrent mal la diversité ethnique et les modes de vie libéraux et sont profondément méfiants vis-à-vis des Occidentaux, selon un sondage publié dimanche par le quotidien Milliyet.

Le sondage, réalisé par l’Université Bahcesehir d’Istanbul sur un échantillon de 1.715 personnes au cours des mois d’avril et de mai, montre que pour 62% des personnes interrogées, la religion est la valeur suprême. La laïcité et la démocratie arrivent respectivement au deuxième et troisième rang avec 16% et 13% d’opinions favorables.

Pour 62% des personnes interrogées, une femme musulmane doit couvrir sa tête lorsqu’elle sort de sa maison, 58% estimant qu’elle commet un “péché” en portant un maillot de bain sur la plage, précise Milliyet.

72% affirment qu’ils ne souhaitent pas avoir de voisins qui consomment de l’alcool, 66% ne veulent pas de voisins dépourvus de convictions religieuses et 67% ne veulent pas vivre à côté de couples non mariés, ajoute Milliyet.

Toujours selon ce sondage, 64% des personnes interrogées n’aimeraient pas avoir un juif pour voisin, 52% un chrétien, 42% un Américain et 26% n’importe quelle personne d’ethnie ou de race différente de la leur.

Une très forte majorité de personnes interrogées — 76 à 86% — estiment à différents degrés que l’Union européenne à laquelle la Turquie souhaite adhérer, et les Etats-Unis, allié de la Turquie au sein de l’Otan, ont pour objectif de diviser leur pays, souligne Milliyet.

Source : La Croix

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