samedi 29 décembre 2012

lundi 24 décembre 2012

“Ne tue pas l’homme que Dieu a sacré, sauf pour une cause juste”.


Le regain brutal d’antisémitisme qui sévit en France ces jours-ci était prévisible et ne devrait surprendre personne, lance en entrevue l’un des plus importants intellectuels Juifs de France, Daniel Sibony.
Docteur en Philosophie et en Mathématiques, Psychanalyste ré­puté, Arabisant chevronné et fin Exégète de la Bible, Daniel Sibony est l’auteur d’une trentaine de livres, dont plusieurs consacrés au conflit israélo-palestinien, aux religions mono­thé­istes, à l’Islam et au dialogue interreligieux.
Son dernier essai : « De l’identité à l’Existence. L’apport du peuple juif » (Éditions Odile Jacob, 2012).
Une réflexion originale et percutante sur l’apport important de l’Identité juive aux autres Identités culturelles.

Daniel Sibony était récemment de passage à Montréal à l’invitation de l’Institute for the Study of Global Antisemitism and Policy (I.S.G.A.P.), fondé et dirigé par le Professeur Charles Small.
Il a prononcé une conférence sur l’antisémitisme à l’Université McGill et une conférence sur son nouveau livre à la Congrégation Or Hahayim de Côte Saint-Luc.

Il nous a livré au cours d’une entrevue ses réflexions sur l’épineuse question de l’antisémitisme en France.

Canadian Jewish News : La France a connu ces derniers mois un regain d’antisémitisme fort inquiétant.
Ce problème délétère semble être récurrent et inéluctable ?

Daniel Sibony : Je ne suis pas inquiet par nature.
Mais cela fait une trentaine d’années, depuis la publication de mon livre « Les trois Mono­théismes. Juifs, Chrétiens, Musulmans entre leurs sources et leur destin » (Éditions du Seuil, 1992), que je ne cesse de souligner le fait que les textes fondateurs de l’Islam contiennent des passages très violents à l’endroit des Juifs et que si des esprits fragiles les lisent, ils peuvent vouloir les appliquer à la lettre en passant à l’acte, c’est-à-dire en perpétrant des forfaits antisémites.
Il faut donc s’attendre à ce qu’il y ait en permanence un nombre assez important d’esprits faibles, ou d’état limite, susceptibles de justifier leurs actes antisémites en arguant qu’ils n’ont fait que mettre en pratique des textes de l’Islam.
Des journalistes, des écrivains et des intellectuels Français qui ont posé le principe qu’il n’y avait rien de discutable ou de problématique dans l’Islam s’étonnent aujourd’hui de cette recrudescence de l’anti­sémi­tisme en France.
Par conséquent, quand ils voient que la réalité produit des actes antisémites très violents, qui les étonnent, mais qui ne m’étonnent pas du tout, ils se disent abasourdis.
Ces derniers se demandent alors : “Comment un Mohammed Merah est-il possible ?”
Je dénote une certaine hypocrisie dans leur réaction.
Il est très clair, qu’à l’instar d’autres islamistes, Mohammed Merah est passé à l’acte après avoir lu des textes du Coran truffés d’invectives contre les Juifs.
Les crimes qu’il a commis lui ont donné une force identitaire dont il avait besoin. Il ne faut donc pas s’éton­ner de ce qui se produit aujourd’hui en France.
Cependant, les choses ne sont pas encore jouées parce que rien ne dit que l’État et l’establishment français ne vont pas réaffirmer les Lois de la République, qui sont quand même assez claires en ce qui a trait à la lutte contre l’an­ti­sémi­tisme.
Daniel Sibony

C.J.N. : Donc, le délire antisémite maladif des islamistes radicaux puise son essence dans des sourates cora­niques recelant des poncifs anti-juifs. 

Daniel Sibony : Au cours d’une rencontre-débat avec un intellectuel Musulman spécialiste de l’Islam, Ghaleb Bencheikh, animateur de l’émission Islam, diffusée les dimanches matins par la Chaîne de Télévision France 2, ce dernier a dit : “Les terroristes islamistes qui se réclament de l’Islam n’ont rien à voir avec cette religion parce que celle-ci interdit de tuer”.
Pour corroborer son assertion, Ghaleb Bencheikh a cité un verset du Coran : “Ne tue pas l’homme que Dieu a sacré”.
Je lui ai alors demandé de me préciser quel était ce verset coranique ?
Il me l’a nommé. J’ai ouvert mon Coran et lu intégralement ce verset :
“Ne tue pas l’homme que Dieu a sacré, sauf pour une cause juste”.
Des intégristes peuvent donc se réclamer de ce même verset, tout en maintenant un lien avec le texte originel.
Ces fondamentalistes Musulmans ne sont pas pour autant des renégats. Dans l’Islam, la dialectique entre les mo­dérés et les extrémistes est plus subtile qu’on ne le pense.
Il n’y a pas une opposition violente entre ces deux courants de l’Islam.
Il n’y a pas une bande d’islamistes fous qui exercent une violence aveugle.
Il y a une bande de jeunes Musulmans en mal d’Identité forte qui trouvent celle-ci dans les textes fondateurs de l’Islam et ­exercent ensuite une violence ciblée.

C.J.N. : L’antisémitisme débridé de nombreux jeunes Musulmans Français ne nous contraint-il pas à dresser un constat d’échec : celui du modèle d’Édu­ca­tion de la France ?

Daniel Sibony : En tant que Psychana­lyste, je pense profondément que quand des jeunes Musulmans se livrent à des attaques contre des jeunes Juifs, qui font qu’aujourd’hui la moitié des enfants Juifs ne peuvent pas s’inscrire dans les Écoles publiques, ils commettent ces actes antisémites ignobles pour exprimer des idées qu’on leur a inculquées chez eux.
Les parents de ces jeunes Musulmans condamnent rarement la violence antisémite de ces derniers.
Il y a un grand travail d’Éducation à faire. Un travail d’élaboration, de rapport aux textes, qui n’a jamais été fait dans l’Islam.
Il est impératif de reléguer les textes du Coran dans l’espace qui est le leur et d’empêcher leur application dans la vie concrète.
Ce travail a été fait pendant des siècles dans la Bible juive, qui contient aussi des passages très violents.
Une violence extrême qui oppose non pas des Juifs à des non-Juifs mais des Juifs à d’autres Juifs.
Pourtant, ces passages violents n’ont jamais été mis en pratique par les Juifs dans leur vie quotidienne.
Par exemple, dans le Livre Deu­té­ro­nome, on enjoint les Juifs d’exterminer tous les habitants d’une ville si celle-ci se livre à l’idolâtrie.
Aucun Juif n’a jamais mis en application cette injonction sacrée.

C.J.N.:Les Autorités françaises semblent impuissantes face à la montée en force de l’islamisme radical sur le Territoire hexagonal.

Daniel Sibony : Je pense que l’Europe, et en particulier la France, a préféré ignorer la violence antisémite que recèlent des textes de l’Islam.
Il y a quelques années, j’ai écrit au Ministre français de l’Intérieur pour lui demander si ça ne lui posait pas pro­blème que dans les Écoles coraniques de la République française on enseigne à des enfants Musulmans des textes coraniques très hostiles envers les Juifs ?
On m’a répondu qu’au nom de la laïcité, le gouvernement français n’avait pas à se mêler du contenu de ces textes religieux.
Autrement dit, en France, si quelqu’un vous traite de sale Juif, il encourt une peine de prison.
Mais si ce dernier enseigne à deux cents élèves que le Coran considère les Juifs comme des pervers, il n’encourt aucune peine judiciaire parce qu’il s’agit d’un texte religieux.

C.J.N. : Le dialogue intercommunautaire judéo-musulman n’est pas parvenu à atténuer l’antisémitisme qui sévit aujourd’hui dans de larges pans de la Communauté musulmane de France.

Daniel Sibony : Les Institutions communautaires juives et musulmanes de France ont chacune une Section spécialisée dans le dialogue interreligieux, mais je doute que la symbiose ou la discussion libre et franche soit très courante entre ces Institutions communautaires.
Même en admettant que ce soit le cas, c’est au mépris de la réalité basique : aujourd’hui, dans certains quartiers de Paris et d’autres villes de France, des Juifs peuvent aisément se faire attaquer par des jeunes Musulmans.
Par ailleurs, dans des Écoles publiques où l’on a apposé près de la porte d’entrée une plaque de marbre remémorant les noms des anciens élèves Juifs de ces Établissements éducatifs qui ont été déportés dans les camps d’extermination nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale, les directeurs de ces Écoles publiques déconseillent aux parents d’enfants Juifs d’y inscrire ces derniers parce qu’ils ne pourront pas assurer leur sécurité.
Dans beaucoup de lycées français, il y a des professeurs qui se battent quotidiennement pour pouvoir enseigner l’Histoire de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah.
Ils rencontrent de farouches résistances de la part de collégiens Musulmans.
Certains professeurs ont décidé de ne plus se battre.
Aujourd’hui, 40% à 50% des enfants Juifs Français ne sont pas scolarisés dans les Écoles publiques.

(...)

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